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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/264

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VOYAGE D′UNE FEMME.

exquises qui sont l’atmosphère (atmosphère de serre chaude, devrais-je dire) de cette maison. Et qui donc pourrait songer à se plaindre d’une telle atmosphère, si, dans cette vie pauvre et dure, près de montagnes glacées et nues, elle peut faire s’épanouir une fleur du paradis, aussi sacrée que celle de l’humaine tendresse ?

Le mercure est à 11° au-dessous de zéro, et je suis obligée de laisser mon encre sur le poêle, pour l’empêcher de geler. Le froid est intense, clair, brillant, stimulant ; si sec que, même dans mon costume de flanelle usé, je n’en souffre pas. Il faut maintenant que je vous raconte des riens qui, pour moi, ont tous de l’intérêt. Mardi, nous nous sommes levés avant le jour, et avons déjeuné à sept heures. Il y avait quelque temps que je n’avais vu l’aurore aux feux couleur d’ambre d’abord, puis d’écarlate, et les pics neigeux rougir l’un après l’autre, et cela me parut être un miracle nouveau. Le vent étant de l’ouest, nous pensions, tous que cela promettait du beau temps. Je ne pris avec moi que peu de bagages des raisins secs, le sac aux dépêches, et une couverture sous ma selle. Je n’étais point encore sortie du Parc au lever du soleil ; c’était splendide ! À une hauteur de 9, 000  pieds, dominant les abîmes pourprés du Mc. Ginn’s Gulch, j’embrassais du regard, à 1, 500  pieds plus bas, et tout ensoleillé, baigné dans une brume rougeâtre, le Parc avec ses pics de perle découpés en aiguilles et encadré par les flancs des montagnes noires de pins. Ô mon unique, splendide et solitaire demeure des montagnes ! Un soleil de pourpre se levait devant moi. Si j’avais su ce qui le revêtait ainsi de cette pourpre, je ne serais certaine-