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VIII


Gabriel, en allant attendre dix heures dans les jardins, tomba sur M. de Chandoyseau qui faisait l’éloge de sa femme au révérend Lovely.

Rien ne pouvait être à la fois plus comique et plus pitoyable. Le pauvre clergyman était venu là sans doute dans le but d’éteindre par des cent pas multipliés, les secrètes ardeurs qu’il attribuait au climat et au lieu, et qui lui venaient évidemment des agaceries malignes et savantes dont l’abreuvait la Parisienne. Que de fois l’avait-on vu marcher sur ce gravier craquelant, le chapeau à la main, les tempes humides de sueur, les yeux un peu égarés et comme honteux quand un regard étranger les rencontrait, enfin marmottant du bout des lèvres les arides versets sacrés qui contenaient son remède et son salut ! C’était à croire que le « Malin », selon son expression, était vraiment de la partie, puisque le malheureux, dans la fuite héroïque de la tentation, était rejoint précisément par le seul être au monde qui fût capable d’aviver sa plaie en lui parlant avec complaisance de Mme de Chandoyseau : M. de Chandoyseau.

Cet admirable mari n’y voyait point malice, et il