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Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/213

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XIV


La vie reprit avec l’apaisement de la nature. Le chapeau de paille fleuri avait été emporté au loin, et le jeune veuf pleurait dans sa chambre solitaire. Dès avant la fin de la journée, les jardiniers avaient balayé les feuilles innombrables arrachées aux arbres, les branches cassées, et jusqu’aux dernières traces de l’ouragan. Dompierre avait voulu remonter dans sa barque pour rentrer à Bellagio, mais M. et Mme Belvidera avaient mis tant d’insistance à l’en empêcher, qu’il avait renvoyé son batelier, en le chargeant de prévenir qu’ils ne rentreraient tous que par le bateau de neuf heures.

Après le dîner, il se trouva un moment seul avec Luisa. Ils étaient assis sur un même banc, sous les platanes magnifiques qui penchent jusque dans l’eau leurs basses branches. L’orage avait rafraîchi la température ; on respirait un air léger imprégné de l’odeur humide des feuillages. Par égard pour la jeune morte, dont le corps roulé par les eaux mouvantes venait peut-être heurter ce soir cette rive habituée au bonheur, les musiciens faisaient trêve, et, dans le silence, on entendait à longs intervalles le choc des dernières