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XXVII


On vit une dernière fois la figure de Carlotta, environnée de tout ce que la saison pouvait encore fournir de fleurs. La petite blessure de la tempe était invisible, et le repos de la mort idéalisait à peine ses traits qui avaient toujours été beaux et tranquilles.

Quand la bière où ce corps charmant était couché à demi découvert, parut sous le portail de la petite chapelle d’Isola Madre, un saisissement parcourut l’assistance, composée de personnes innombrables massées dans le parterre étroit, juchées sur l’appui des fenêtres, sur les escaliers, sur la terrasse supérieure, et répandues fort loin dans les jardins. Ce peuple des îles et des lacs d’Italie, presque païen encore, avait un mouvement de révolte de ce qu’on lui ravît une si grande beauté.

Mais tout disparut promptement, et les gens trop éloignés, qui n’avaient pas entendu le bruit sourd de la chute du cercueil dans la terre et qui se haussaient sur la pointe des pieds, n’aperçurent plus que les fleurs que chacun jetait et qui se superposaient en une sorte de montagne croûlante et sans cesse surélevée.

Après quoi, des centaines de barques s’éloignèrent