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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

pour apprécier le sentiment de tranquillité que donne l’assurance d’un avenir heureux.

Si elle était reconnaissante envers son adorateur et si l’affection qu’il lui avait inspirée prenait sa source dans cette reconnaissance, ce n’était pas des considérations intéressées qui avaient ouvert son cœur à la gratitude.

Elle le remerciait de son amour, ce trésor qu’elle n’avait jamais espéré posséder, elle le remerciait parce qu’il l’avait prise par la main et l’avait arrachée à sa solitude, à sa dépendance, parce qu’il l’avait placée sur un trône, sur les marches duquel elle se fut contentée de s’agenouiller.

Que le trône fût une chaise de bambous dans quelque cottage rustique, ou un moelleux fauteuil dans un palais, il lui importait peu.

C’était l’adoration du sujet qui lui était douce.

Elle alla dans la chambre de Charlotte ce soir-là, quand toute la maison fut allée se coucher, comme elle était venue la veille de Noël pour y renoncer à son premier amour et bénir sa rivale.

Cette fois c’était une nouvelle confession qu’elle avait à faire, et une confession qui n’était pas sans lui causer quelque honte : il n’y a rien de plus dur à avouer que l’inconstance, et les femmes n’ont pas l’esprit aussi philosophique que Rahel Varnaghen qui déclarait qu’être constant ce n’était pas aimer toujours la même personne, mais aimer quelqu’un.

Mlle Paget s’assit aux pieds de Charlotte, comme la première fois.

La saison était assez froide.

Il y avait encore un bon feu.

Deux mois cependant s’étaient écoulés depuis que les