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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/241

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Et il lui semblait qu’elle aurait moins l’air d’un agneau allant au sacrifice, si elle pouvait paraître devant son fiancé avec Charlotte.

Mais en ce point, les deux jeunes personnes devaient être désappointées.

Pour tout ce qui concernait sa belle-fille, Sheldon était un vrai dragon.

Ne pouvant révéler l’existence de Lenoble, Charlotte ne put qu’alléguer des motifs frivoles pour justifier son désir d’accompagner son amie.

Ce désir parut tout à fait absurde et déraisonnable à l’esprit pratique de Sheldon.

Il n’hésita pas à se prononcer formellement en ce sens dans le tête-à-tête qu’il eut avec sa belle-fille.

« Quelle nécessité pour vous d’aller voir ce vieillard goutteux. Il a sa fille pour lui rendre ses devoirs ? demanda Sheldon. Véritablement, Charlotte, je suis surpris d’entendre faire une semblable demande à une jeune fille ayant votre bon sens. Mlle Paget est votre demoiselle de compagnie et non votre hôte. Il est de son devoir de se prêter à vos fantaisies, mais vous n’avez pas à vous soumettre aux siennes.

— Mais cette fantaisie est la mienne, papa. J’aimerais positivement à aller passer l’après-midi à Chelsea. Ce serait un petit changement dans nos habitudes, vous comprenez, une petite distraction. »

Sheldon regarda sa belle-fille avec une attention où le soupçon se mêlait à la curiosité.

« Cette visite n’est nullement convenable pour une personne dans votre position, dit-il sévèrement, et je vous prie de ne plus me faire de demandes semblables à l’avenir. »

Cette réponse était décisive.