Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

des verres de couleur et un orchestre très-distingué.

Les parterres éclairés, les valses joyeuses, les quadrilles fous n’avaient, ce soir-là, aucun attrait pour Gustave ; il resta dans le salon, sombre et lugubre dans le crépuscule ; car Mme Magnotte, très-économe de luminaire, prolongeait jusqu’à la dernière limite l’intervalle qui sépare le jour de la nuit.

Il allait et venait sans bruit dans le salon, sans être remarqué par les dames qui s’étaient groupées autour de l’une des fenêtres.

Agité, malheureux, il ne pouvait ni sortir, ni rester. Elle ne devait pas venir au salon ce soir-là. Il s’était rattaché au faible espoir de la voir apparaître, mais ce faible espoir s’était évanoui à mesure que la soirée avançait.

À quoi lui servirait-il de rester plus longtemps dans cet affreux salon ? Il n’était pas plus rapproché d’elle que s’il se fût trouvé dans les déserts du centre de l’Amérique.

Il ferait mieux de sortir, non pour aller à cet odieux jardin où l’on dansait, mais dans les rues où la froide bise de la nuit pourrait calmer la fièvre qui agitait son cerveau.

Il quitta le salon subitement et descendit très-vite.

Au bas de l’escalier, il se heurta presque contre une femme qui se retourna et lui jeta un regard, au moment où elle passait devant la petite lampe accrochée au-dessus de la loge.

C’était la dame anglaise dont la figure était plus égarée que Gustave ne l’avait jamais vue.

Elle ne parut pas le reconnaître ; elle traversa la cour et sortit rapidement.

Cette expression extraordinaire de sa figure, le fait