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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/105

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LA FEMME DU DOCTEUR

présider à une collation de pain et de fromage arrosés d’ale. Le repas terminé, on amena la monture du médecin à la porte.

— Venez nous voir dès que vos affaires vous amèneront à Conventford, Gilbert, — dit M. Raymond en serrant la main du chirurgien.

George le remercia de sa cordiale invitation, mais il s’éloigna néanmoins assez désenchanté. De quelle stupidité il avait fait preuve pendant cette courte promenade dans le jardin de M. Raymond ; comme il avait su dire peu de choses à Isabel et quelle réserve celle-ci lui avait témoignée ! Avec quel effet lamentable la conversation était tombée à chaque instant pour n’être relevée à grand’peine que par quelque question baroque, quelque misérable remarque, à propos de rien, — émanations idiotes du désespoir.

Gilbert se rendit à une auberge près de la place du Marché où son père avait l’habitude de prendre ses repas chaque fois qu’il venait à Conventford. George confia Brown Molly aux soins du valet d’écurie, puis il partit à pied sur la chaussée encombrée où les campagnards se bousculaient devant les devantures de boutiques et les étalages en plein vent et pénétra sur la vaste place du Marché, où la voix des colporteurs s’élevait retentissante et aiguë, et où les vantardises éhontées des marchands d’orviétan ébranlaient l’air. Il passa à travers la foule et s’engagea dans une rue étroite et détournée qui le conduisit à une vieille place au milieu de laquelle s’élevait la grande église de Conventford, entourée d’une multitude de pierres tumulaires. Les cloches, qui jouaient un air de musique religieuse quand les heures sonnaient, retentissaient dans le clocher. Le jeune homme pénétra dans le ci-