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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/15

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LA FEMME DU DOCTEUR

Il approcha sa chaise de la fenêtre ouverte et regarda au dehors la peinture des murailles qui s’écaillait sous les morsures du soleil de juillet.

CHAPITRE II.

UN AUTEUR À SENSATION.

Sigismund Smith était un auteur à sensation. Ces mots de raillerie amère « auteur à sensation » n’étaient pas encore inventés pour la terreur des romanciers, en l’an de grâce 1852 ; mais la chose existait néanmoins sous diverses formes, et on écrivait des romans émouvants comme M. Jourdain parlait en prose, sans le savoir. Sigismund était l’auteur d’une demi-douzaine de romans de haut goût, qui jouissaient d’une popularité extrême dans la classe qui veut sa littérature comme son tabac, c’est-à-dire très-forte. Jamais Sigismund ne s’était présenté dans son entier au public, il paraissait hebdomadairement dans les feuilles illustrées à un sou, et se départait rarement de cette habitude. À l’exception d’une seule fois où il se trouva, très-gras, très-écorné, et ne sentant pas précisément la rose, sur les rayons d’un humble libraire et marchand de journaux, qui cumulait le commerce du tabac et de la pâtisserie avec celui de la littérature, Sigismund avait toujours ignoré ce que c’est que d’être relié. On lui payait bien ses élucubrations, et il était satisfait. Il avait une ambition : celle d’écrire un grand roman ; il rêvait