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LA FEMME DU DOCTEUR.

Isabel qui s’était mise à sangloter violemment. On dira qu’elle était romanesque, impressionnable, égoïste même ; — cela est vrai, mais son pauvre cœur ignorant se révoltait contre la ruine complète de ses rêves.

— Tout cela est bien triste ! — s’écriait-elle ; — cela paraît bien misérable !…

George revint de l’écurie où il était allé voir Brown Molly et apporta à sa femme des sels volatils dans un verre d’eau. Mathilda consola la pauvre enfant, la conduisit dans sa chambre à coucher à moitié préparée où les tapis étaient encore repliés et dont les murailles blanchies à la chaux, — comme dans les vieilles maisons, — et les meubles nus, avaient un aspect lamentable et désolé à la lumière de la chandelle. Mathilda apporta une tasse de thé à sa jeune maîtresse et s’assit à son chevet pendant qu’Isabel buvait, tout en causant et en la consolant, bien qu’elle ne conçût pas une idée très-flatteuse d’une jeune personne qui avait une attaque de nerfs parce qu’il n’y avait pas de feu dans son salon.

— Il est vrai que cela a pu au premier abord vous paraître froid, triste, et mal agencé, — dit avec indulgence Mathilda, — mais nous aurons bientôt fait de mettre les choses en bon ordre.

Isabel hocha la tête.

— Vous êtes bien bonne, — dit-elle, — mais ce n’est pas pour cela que j’ai pleuré.

Elle ferma les yeux, non pas parce qu’elle avait envie de dormir, mais parce qu’elle voulait que Mathilda s’éloignât et la laissât seule. Puis lorsque l’excellente femme se fut retirée sans bruit et eut fermé la porte, elle rouvrit lentement les yeux et regarda