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LA FEMME DU DOCTEUR

en voulait à son cousin de ce qu’une couronne ne tombait pas de son front lorsqu’il entrait en lice. On avait parlé de ses discours, mais avec quelle tranquillité ! Gwendoline aurait voulu que l’Europe entière vibrât de la clameur du nom qui devait être bientôt le sien.

À la fin de sa seconde session, Roland partit pour l’étranger avec sa mère. Il revint seul, six semaines après la mort de celle-ci, et chercha immédiatement des consolations auprès de Gwendoline. Il la trouva en grand deuil, toute étincelante de bracelets et de colliers de jais, très-jolie et très-majestueuse dans ses longues robes noires traînantes ; mais son salon était plein d’orangers et il la quitta blessé et furieux. Il la considérait tellement comme identifiée avec lui qu’il avait cru trouver un chagrin égal au sien. Il revint la voir dans un accès de chagrin et de rage, il lui dit qu’elle n’avait pas de cœur, qu’elle était ingrate, et qu’elle n’avait jamais aimé sa tante qui avait presque été une mère pour elle. Gwendoline était la dernière personne au monde qui pût supporter de pareils reproches. Elle resta stupéfaite de l’audace de son fiancé.

— J’aimais tendrement ma tante, monsieur Lansdell, — lui dit-elle, — si tendrement, que je supporterais beaucoup par égard pour elle ; mais je ne saurais endurer l’insolence de son fils.

Et sur ces mots la fille du comte de Ruysdale quitta majestueusement le salon. Son cousin resta debout dans une embrasure de fenêtre qu’inondait le soleil, et qui donnait passage aux brises printanières et à la voix perçante d’une femme vendant des primevères dans la rue au-dessous de lui.