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LA FEMME DU DOCTEUR.

vrai, et il parlait à chacun autant qu’à elle-même. Il parlait projets du Cabinet et chasse à Ruysdale, livres et peinture avec Gwendoline et Raymond ; et questions locales avec George. Isabel se disait qu’il paraissait connaître toutes choses au monde. Elle-même n’avait que peu de choses à dire : admirer était tout son art. Quant aux orphelines, ces jeunes personnes, assises côte à côte, échangeaient des signes expressifs chaque fois que le couteau du sacrifice était plongé dans un nouveau plat, et causaient de loin en loin, d’un ton discret et ravi. Rien ne leur échappa, depuis les pâtisseries et les entremets jusqu’à la salade de homard, et au salmis à la reine.

Il était quatre heures, lorsque l’ananas fut entamé et ce fut la fin du banquet. La salle à manger tapissée en couleur vieux chêne, était éclairée par une seule fenêtre, une grande fenêtre carrée qui occupait presque entièrement une des parois de la salle, porte-fenêtre splendide qui ouvrait sur un jardin à la vieille mode séparé du reste du domaine par une haie de buis très-épaisse, limite magnifique qui avait mis un siècle ou deux à croître. Pendant toute la durée du repas les abeilles bourdonnaient dans le jardin et des papillons jaunes s’élançaient en tous sens sous les rayons dans les plates-bandes et jetaient leur ombre verticale sur la pelouse soyeuse.

— Allons-nous au jardin ? — dit Gwendoline au moment où l’on se leva de table.

Chacun accepta avec empressement. Isabel se trouva donc quelques instants après au milieu d’un groupe sur une pelouse miniature, au centre de laquelle se voyait un bassin de marbre peuplé de poissons dorés