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LA FEMME DU DOCTEUR.

vagues qu’elle se faisait des odieux chefs de la Montagne et des martyrs de la Gironde. N’était-ce pas un acte de charité pure de dissiper quelques-uns des brouillards sentimentaux qui obscurcissaient cette jolie tête ? N’était-ce pas plutôt une bonne action qu’une mauvaise de venir de temps en temps dans cette retraite ombreuse, à l’abri du chêne, et de dépenser une heure ou deux avec cette pauvre enfant à demi instruite qui avait un si grand besoin d’une science plus solide que celle qu’elle avait pu recueillir, sans secours, dans les romans et les volumes de poésie ?

Il n’y avait rien de mal dans ces promenades matinales, dans ces rencontres qui étaient amenées par le hasard. Il n’y avait absolument rien de mal : d’autant plus que Lansdell avait l’intention de quitter le Midland dès que la saison de la chasse serait terminée.

Indirectement il parla à Isabel de son départ projeté.

— Oui, — dit-il, — vous ferez bien de me demander tous les livres que vous voudrez lire, et, à propos, lorsque j’aurai quitté Mordred…

Il s’arrêta un instant involontairement, car il vit Isabel frissonner légèrement.

— Quand j’aurai quitté Mordred, à la fin d’octobre, vous irez au Prieuré et vous choisirez vous-même dans la bibliothèque. La femme de charge est une excellente femme qui se mettra volontiers à vos ordres.

Mme Gilbert commença donc une nouvelle série de lectures et lut avidement les livres que Lansdell lui prêta. Elle en copia de longs extraits, dessina à la plume les profils des héros, regardant invariablement de droite à gauche et ayant tous un air de famille remarquable avec le maître du Prieuré du Mordred.