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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/310

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LA FEMME DU DOCTEUR.

sa vie errante d’autrefois, pour manger les mêmes dîners aux mêmes restaurants, les mêmes petits soupers après l’opéra dans de petits salons d’entresol où l’on étouffe, malgré le velours rouge, la gaze, les glaces, et les dorures, pour aller aux mêmes bals, dans les mêmes salons grandioses et pour voir les mêmes jolies femmes défiler devant lui dans leur splendeur monotone.

— J’aurais pu devenir un gentilhomme campagnard et être bon à quelque chose en ce monde, — pensait Roland, — si…

Mais il n’était plus seul. Raymond et les orphelines étaient arrivés, et tout le monde se rendit au-devant d’Isabel et de ses compagnons. Raymond s’était toujours montré très-affable pour la gouvernante de ses nièces ; mais ce jour-là il se surpassa. Il s’interposa entre Roland et la portière de la voiture, et donna la main à Isabel pour descendre. Il passa le bras de la jeune femme sous le sien avec une amabilité charmante, et regarda ses compagnons avec un sourire de triomphe.

— Je me propose d’accaparer Mme Gilbert toute la journée, — dit-il gaiement, — et je me charge de lui expliquer Waverly au triple point de vue archéologique, historique, et légendaire. Ne parlons pas de vos fleurs pour l’instant, Roland ; voilà un charmant bouquet, mais vous ne supposez pas que Mme Gilbert va le porter avec elle toute la journée. Portez-le chez le gardien là-bas, et priez-le de le mettre dans l’eau ; puis, ce soir, si vous avez été sage, Mme Gilbert l’emportera pour en faire l’ornement du parloir de Graybridge.

Les portes étaient ouvertes. On entra : Isabel bras-dessus bras-dessous avec Raymond.