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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/317

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LA FEMME DU DOCTEUR

Mme Gilbert, — du moins je veux dire que nous nous sommes beaucoup amusés, et que le temps a passé bien vite.

Elle pensait qu’il était de son devoir de lui dire quelque chose de ce genre, en sa qualité d’amphitryon ; puis elle rougit et devint confuse, craignant d’en avoir trop dit.

— Bonsoir, monsieur Lansdell.

— Mais je descends avec vous, dit Roland. Pensez-vous que je vais vous laisser descendre seule ces escaliers glissants, et vous laisser en danger de vous rompre le cou et de hanter éternellement la tour au clair de lune, spectre pâle vêtu de mousseline ? Voici M. Gilbert, — ajouta-t-il, comme le chapeau de George apparaissait dans l’escalier tournant ; — mais comme il est probable que je connais la tour mieux que lui, je vais me charger de vous conduire.

En disant ces mots, il lui prit la main et la guida à travers les degrés dangereux aussi soigneusement et aussi tendrement que si elle avait été un petit enfant. Sa main ne trembla pas en s’appuyant sur la sienne ; mais il lui sembla qu’une créature ailée et mystérieuse depuis longtemps emprisonnée dans son cœur rompait brusquement ses liens et s’envolait vers lui. Elle pensa que c’était peut-être son âme depuis longtemps prisonnière qui l’abandonnait pour se confondre avec la sienne. Ah ! si ce lent voyage souterrain avait pu durer éternellement, — si elle avait pu descendre, descendre avec Lansdell dans quelque abîme insondable et arriver enfin dans une caverne lumineuse, où il y aurait encore un lac éclairé par la lune, où régnerait une tranquillité céleste… et la mort ! Mais si attentif que fût Roland, la descente ne dura pas