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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/37

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LA FEMME DU DOCTEUR

pêché dans le canal, et avaient aidé à charger du foin dans quelque prairie des environs ; ils étaient défaits et poudreux, et exhalaient fortement l’odeur des plaisirs agrestes. Tous trois ressemblaient à leur frère ; et George, en regardant autour de lui, vit huit des plus noires prunelles qu’il eût jamais vues, mais aucune ne ressemblait à celles d’Isabel. Ces jeunes garçons n’étaient pas du même lit que Mlle Sleaford. La première femme de Sleaford était morte après trois années de mariage, et le seul souvenir qu’Isabel eût gardé de sa mère était l’ombre indécise de ses traits charmants et mélancoliques ; ombre éphémère qui venait visiter parfois le sommeil de l’orpheline.

Une vieille domestique qui, il y avait bien longtemps de cela, était venue voir les Sleaford, avait dit à Isabel que sa mère était morte d’un grand chagrin. L’enfant avait demandé quel était ce grand chagrin, mais la vieille femme avait hoché la tête en disant : « Il vaut mieux que vous l’ignoriez, mon pauvre agneau : il vaut mieux que vous l’ignoriez toujours. »

Dans le grand salon il y avait un portrait au crayon de la première Mme Sleaford ; un portrait, tout maculé par les mouches, qui représentait une jeune femme ayant les traits d’Isabel, vêtue d’une robe à taille courte, les manches ballonnées. C’était tout ce que Mlle Sleaford savait de sa mère.

La seconde Mme Sleaford était une petite femme acariâtre, elle avait les cheveux blond filasse, les yeux gris et perçants ; c’était une petite femme bien intentionnée qui rendait malheureux tous ceux qui l’entouraient, et qui travaillait sans relâche du matin au soir sans jamais pouvoir terminer la tâche qu’elle entreprenait. Les Sleaford avaient une servante, employée à toutes