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LA FEMME DU DOCTEUR.

turellement je ne fais pas aller Aureola à pied d’Édimbourg à Londres. Qu’y aurait-il de singulier là dedans ? Le premier venu pourrait le faire en y mettant le temps nécessaire. Je la fais aller à pied de Londres à Rome, chercher une bulle papale pour obtenir la liberté de sa sœur enfermée dans la Tour de Londres. J’ose dire que c’est une assez jolie promenade, hein ! qu’en dis-tu ? Elle traverse les Alpes, ce qui permet de la faire engloutir par une avalanche et d’être sauvée par un chien du Saint Bernard, puis d’être murée dans un in pace par les moines qui la soupçonnent d’être favorable aux Lollardi, et d’être délivrée par César Borgia, qui voyage dans ce pays, reçoit l’hospitalité au couvent, et entend le tambour de basque d’Aureola à travers le mur de sa chambre à coucher. Il la délivre et devient amoureux d’elle ; mais elle échappe à sa persécution en passant par une fenêtre, descend le flanc escarpé d une montagne au moyen de son écharpe de gaze, continue son chemin vers Rome tout en dansant pour subvenir à ses besoins, obtient une audience du saint père, entre dans la Compagnie de Jésus, et c’est là que je prends l’histoire du Juif-Errant, — conclut Smith.

George osa faire remarquer qu’à l’époque où l’Angleterre était gouvernée par les Plantagenets, Ignace de Loyola n’avait pas encore fondé son ordre merveilleux, mais Smith accueillit cette prosaïque remarque avec un sourire de mépris suprême.

— Oh ! si tu épilogues sur les faits, — dit-il, — il n’y a plus moyen d’écrire.

— Et tu aimes à écrire ?

— Pour le public à un sou ? Certainement, cela me plaît infiniment. On ne peut faire qu’une objection