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LA FEMME DU DOCTEUR.

partis à tout jamais. Il y avait un gigantesque cerf-volant sur un rayon dans l’arrière-cuisine, un cerf-volant que Jeffson avait fait de ses mains patientes. George eût ri maintenant si on lui avait parlé de cerf-volant ; mais William se serait montré fidèle à ses jeux puérils jusqu’à ce que ses cheveux fussent devenus gris, et il n’aurait pas connu un instant la lassitude d’esprit.

— Vous épouserez quelque belle dame un jour ou l’autre, Master George, — disait Mathilda, — et elle regardera avec dédain nos façons de gens du Nord et nous renverra de la vieille maison où nous avons vécu si longtemps.

Mais George protestait chaudement que, lors même qu’il épouserait la fille de la reine d’Angleterre, ce qui n’était pas vraisemblable, la royale demoiselle se conduirait avec bonté envers ses vieux serviteurs ou qu’il ne l’épouserait pas.

— Quand je me marierai, ma femme aimera les gens que j’aime, — disait le médecin, qui professait ces magnifiques théories sur l’art de mener une femme qui sont particulières aux jeunes gens à marier.

De plus, George apprit à ses humbles amis qu’il ne se marierait vraisemblablement pas de longtemps selon toute apparence, attendu qu’il n’avait rencontré personne qui approchât de l’idée qu’il s’était faite de la perfection féminine. Il avait là-dessus des idées très-pratiques, et se promettait d’attendre patiemment jusqu’à ce que quelque jeune personne sans tache passât à sa portée : — une jeune fille diligente et pieuse, petits pieds et bandeaux soyeux ; un modèle de sagesse qui n’eût jamais commis d’inconséquence ou dit une parole oiseuse. Parfois l’image d’Isabel tremblait