Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
LA FEMME DU DOCTEUR

Jeffson avait été le confident des amours enfantines de George, le naïf Leporello de ce jeune Don Juan provincial, et il aspirait à recevoir la confidence de nouveaux secrets et à goûter encore une fois au gâteau du sentiment. Mais George nia froidement qu’il ressentît aucun penchant romanesque pour Mlle Sleaford.

— Je m’estimerai heureux de lui témoigner de l’amitié d’une façon quelconque, — dit-il gravement, — mais elle est la dernière personne du monde dont je songerais jamais à faire ma femme.

Ce jeune homme discutait ses idées matrimoniales avec cette majesté tranquille avec laquelle l’homme, qui est le maître, parle de son humble esclave, tant qu’il ne s’est pas essayé à la gouverner, — avant d’avoir reçu le cuisant baptême de la souffrance, et d’avoir appris par l’expérience amère qu’une femme parfaite n’est pas une créature que l’on rencontre à tous les coins de rue, attendant tranquillement son seigneur et maître.

CHAPITRE VI

TROP DE SOLITUDE.

Le harnais de Brown Molly fut proprement accommodé par les mains patientes de Jeffson. J’imagine que la vieille jument n’aurait pas été tondue de longtemps si George n’avait pas exprimé le désir qu’elle fût pimpante le jour de sa visite à Conventford. Tondre un cheval n’est pas une occupation bien agréable ; mais il n’était pas de tâche si difficile qui pût faire re-