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LA TRACE

nes, et la baisa avec tendresse. Je ne prétends pas qu’une marquise eût fait pareille chose, mais dans le cas où elle l’eût fait, je suis certain qu’elle n’eût pas agi avec une grâce plus exquise.

« Un embarras, Jim, dit-elle, un embarras ! Pensez-vous, que si je travaillais pour vous jour et nuit, sans jamais me reposer, j’en serais fatiguée ? Pensez-vous, que si j’usais mes doigts jusqu’aux os à travailler pour vous, j’en ressentirais la moindre douleur ? Pensez-vous, que si ma mort pouvait vous rendre heureux, je ne serais pas heureuse de mourir ? Oh ! vous ne savez pas, vous ne savez pas… »

Elle dit ces mots d’un ton moitié désespéré, car elle comprenait qu’il n’y avait dans son âme aucune faculté pour sonder la profondeur de son amour à elle.

« Pauvre amie, pauvre amie, dit-il, posant doucement sa main rude sur sa chevelure noire, si cela va aussi mal que vous le dites, j’en suis chagrin, plus chagrin ce soir que jamais.

— Pourquoi, Jim ? Elle leva sur lui des yeux alarmés. Pourquoi Jim ?… se passe-t-il quelque chose ?

— Pas grand chose, fillette, mais, je crois que je ne suis pas tout à fait à mon affaire ce soir. »

Il laissa tomber sa tête en parlant ; la jeune fille la posa sur son épaule, et il la laissa appuyée sur elle comme s’il n’avait plus la force de la relever.