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LA TRACE

cuisine pendant qu’on dressait le premier service. Il va sans dire que les Sloppertoniens déclarèrent que le savant homme était un imposteur et sa science du charlatanisme ; ce que, du reste, ils avaient coutume de faire pour tout professeur et sa science assez fous pour se montrer à Slopperton.

La ville de Slopperton croyait en Jabez North, sans doute parce que Slopperton l’avait pour ainsi dire créé, vêtu et nourri, parce qu’elle avait soutenu ses premiers pas, parce qu’elle l’avait caressé et vu grandir à l’ombre de l’aile sloppertonienne et devenir le bon et digne jeune homme qu’il était.

Voici comment les choses s’étaient passées. Dix-neuf ans avant ce jour de novembre si sombre et si triste, un tout jeune enfant avait été trouvé, selon toute apparence noyé, dans les eaux bourbeuses du Sloshy. Heureusement il était moins noyé que sale, et, après avoir été soumis à un traitement des plus vigoureux, après avoir été, par exemple, tenu la tête en bas et écorché vif à l’aide d’un torchon par la Société philanthropique de Slopperton, le pauvre enfant avait poussé un léger cri et donné d’autres signes de son retour à la vie. Il avait été trouvé dans une rivière de Slopperton par un batelier de Slopperton, rappelé à la vie par une société philanthropique de Slopperton, et porté par le bedeau de l’église de Slopperton à l’asile de la même ville. Slopperton ne pouvait pas facilement se débarrasser