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LA TRACE

je croirai que vous êtes un charlatan. Laissez-moi entendre de ses propres lèvres que j’ai sujet de le haïr.

— Suivez-moi alors, et doucement. »

Il la conduit dans le Bois de Boulogne. Le ciel n’a pas une étoile, c’est une nuit de décembre froide et noire ; une légère couche de neige a blanchi le sol, et assourdit le bruit de leurs pas. On dirait deux ombres se glissant entre les arbres. Après avoir marché environ un quart de lieue, il la saisit par le bras et l’entraîne précipitamment dans l’ombre formée par le tronc d’un gros arbre :

« Maintenant, dit-il, maintenant, écoutez. »

Elle entend une voix dont le timbre lui est connu. Il se produit, d’abord, un bourdonnement dans ses oreilles, comme si tout son sang montait de son cœur à son cerveau, mais bientôt elle saisit distinctement les sons ; bientôt, aussi, ses yeux commencent à s’habituer aux ténèbres, et elle aperçoit à quelques pas d’elle la silhouette d’un personnage de taille élevée, qui lui est connu. C’est Gaston de Lancy qui est là, son bras entoure la taille svelte d’une jeune fille, et sa tête penchée a cette gracieuse langueur qu’elle connaît si bien, lorsqu’il contemple son visage.

La voix de de Marolles glisse tout bas dans son oreille :

« La jeune fille est une danseuse des Funambules, qu’il a connue avant d’être un homme illustre. Son