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LA TRACE

la terre entière est remplie d’un fantôme hideux.

Deux verres sont sur la table, un peu en arrière du fauteuil sur lequel elle est assise. Ce sont de magnifiques verres antiques, élégamment taillés et portant le blason des de Cévennes. L’un d’eux, celui dans lequel Gaston de Lancy a bu, a conservé au fond un petit dépôt blanchâtre, avec quelques gouttes de vin. Valérie n’aperçoit pas Raymond qui, d’une main furtive, prend ce verre sur la table et le cache dans la poche de son pardessus.

Il jette encore un regard sur elle, qui reste la bouche rigide et les yeux hagards, et lui dit ensuite en se dirigeant vers la porte :

« Je vous verrai à l’Opéra, madame ! Je me trouverai aux stalles. Vous serez, avec votre beauté plus splendide que d’habitude, le centre des observations dans la loge voisine de celle du roi. N’oubliez pas que, jusqu’à ce que la soirée soit écoulée, vous n’avez pas fini de jouer votre rôle. Au revoir, madame. Demain, je dirai mademoiselle. Car demain le mariage secret de Valérie de Cévennes avec un chanteur ne sera que le souvenir d’une folie passée. »