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LA TRACE

dangereuse. Les sombres appartements aux boiseries de chêne, occupés par Valérie donnaient sur le désert revêtu de neige et avaient un aspect remarquable de tristesse par un jour mourant de février.

De sévères portraits des aïeux morts de cette noble maison jetaient de leurs lourds encadrements des regards courroucés sur la pâle jeune fille, moitié assise, moitié couchée sur un grand fauteuil, dans la profonde embrasure de la croisée. Un baron terrible, recouvert d’une cotte de maille, qui était tombé en combattant au désastre d’Azincourt, tenait une hache d’arme levée, et dans l’obscurité du soir il semblait à Valérie que le guerrier levait son arme avec un regard menaçant sous ses épais sourcils, qui s’animaient d’une expression résolue quand ses yeux rencontraient ceux du portrait. De quelque côté qu’elle se tournât, les yeux de ces sombres peintures semblaient la suivre, tantôt avec un air menaçant, tantôt avec un air de reproche, quelquefois avec un regard mélancolique chargé d’une étrange et sinistre tristesse, qui brisait son cœur et la glaçait jusqu’au fond de l’âme.

Des troncs d’arbres brûlaient dans le grand foyer, supportés par de massifs chenets en fer, et leur flamme tremblante en tombant çà et là laissait toujours les angles de la vaste pièce dans l’obscurité. La blancheur éclatante de la nuit glacée en pénétrant