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LE SECRET

— Non, pas depuis…

— Est-ce bien sûr que ce soit à deux heures que M. Talboys est venu ? demanda Robert.

— Oui, parfaitement sûr. »

Il se souvenait de l’heure, parce que c’était le moment du dîner des domestiques et qu’il avait quitté la table pour ouvrir la porte à M. Talboys.

« Réellement, que peut être devenu cet homme ? pensa Robert en tournant le dos au château. De deux à six… quatre bonnes heures… et pas signe de lui ! »

Si quelqu’un s’était hasardé à dire à M. Robert Audley qu’il lui serait possible d’éprouver un fort attachement pour une créature animée, ce cynique gentleman aurait relevé ses sourcils, en suprême dédain pour cette absurde remarque. Et il était là, ahuri et inquiet, torturant son cerveau par toutes sortes de conjectures sur l’absence de son ami, et contrairement à toutes les facultés de sa nature, marchant vite.

« Je n’ai pas marché aussi vite depuis que je suis à Eton, murmura-t-il comme il traversait précipitamment une des prairies de sir Michaël, dans la direction du village, et le pire de tout, c’est que je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où je vais. »

Il traversa une autre prairie, et, s’asseyant alors sur une barrière, il resta les coudes sur ses genoux, la figure enfouie dans ses mains, et se disposa sérieusement à réfléchir sur l’événement.

« C’est cela ! dit-il après quelques minutes de réflexion, la station du chemin de fer. »

Il enjamba la barrière et se lança dans la direction de la petite construction en briques rouges.

On n’attendait pas de train avant une demi-heure, et l’employé était à prendre son thé dans une pièce à côté du bureau, sur la porte de laquelle était écrit en grandes lettres blanches : Particulière.

Mais M. Audley était trop occupé de l’unique idée