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LES OISEAUX DE PROIE

dit qu’une boîte de cette taille les compromettrait partout.

« Vous pouvez vous passer quelque temps de bagages, chère enfant, mais gardez-vous bien d’emporter celui-ci. »

La jeune fille obéit sans comprendre. Elle ne comprenait pas souvent ce que son amant voulait dire, et il ne paraissait pas tenir beaucoup à ce qu’elle le comprît. Il lui parlait plutôt du ton dont on parle à un ami fidèle, quand cet ami est un chien.

Le capitaine dénicha de suite une paroisse où le nouveau code du mariage lui permettait de s’unir à Mlle Kepp sans façon, en présence du cocher de fiacre et d’une femme qui balayait le devant de la porte. Le capitaine subit cette courte cérémonie aussi tranquillement que s’il se fût agi de prendre un abonnement à la compagnie des eaux. Les pleurs de la pauvre Anna qui coulaient sous son petit voile noir l’exaspérèrent. Il avait oublié l’anneau nuptial, mais il ôta une petite bague en onyx de son doigt pour la passer au doigt plus grossier de son épouse. C’était le dernier, absolument le dernier de ses bijoux ; des brocanteurs imbéciles et peu versés dans les choses de l’art antique, avaient jugé la bague sans valeur. C’est toujours d’un mauvais augure, un futur qui oublie ce simple anneau d’or, symbole de l’union éternelle ! Une personne superstitieuse eût pu s’effrayer, en voyant quel était le sujet gravé sur la bague du capitaine. Elle représentait la femme de Néron, qui ne fut pas une femme heureuse le moins du monde. Mais comme Anna pas plus que le clerc, le cocher, ou la brave femme au balai n’avaient jamais entendu parler de Néron, et que de plus Paget était trop indifférent pour être superstitieux, personne