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LES OISEAUX DE PROIE

d’argumentations, de démonstrations, d’arguitations… est-ce que cela se dit ?… je n’en sais rien… mon beau-père a dit que si j’étais résolue à vous avoir et convaincue que vous étiez indispensable, vous pourrez venir. Il a seulement ajouté qu’il ne pouvait pas vous donner d’appointements, et que si de temps à autre vous aviez besoin d’une robe, ce serait moi qui vous l’achèterais avec ma petite bourse ; et c’est ce que je ferai de grand cœur, ma chérie, si vous consentez à venir me trouver, comme une sœur, une vraie sœur. Ma vie est horriblement triste sans vous.

« Je ne fais que me promener du haut en bas des petites allées droites en contemplant les géraniums et les calcéolaires. Mariana n’était pas bien gaiement, sans doute, dans sa ferme entourée d’eau, mais au moins les fleurs sauvages qui poussent librement dans le comté de Lincoln ne lui infligeaient pas le supplice de rencontrer sans cesse sous ses regards les carrés de fleurs rouges et jaunes et les plates-bandes bleues et blanches qui font la gloire des jardiniers modernes. Venez donc, ma chère ; je n’ai personne à qui parler et absolument rien à faire. Maman est une bonne âme, très-affectueuse ; mais nous ne nous entendons pas. Je n’ai aucun goût pour les petits oiseaux, et elle, de son côté, ne s’intéresse guère à mes caprices et à mes fantaisies. J’ai lu des romans jusqu’à en être fatiguée. On ne me permet pas de sortir seule et maman ne peut aller jusqu’aux jardins de Kensington sans être sur les dents. Nous sortons quelquefois en voiture, mais cela m’ennuie à mourir de suivre lentement la file le long de la Serpentine, sans autre occupation que celle de regarder des chapeaux. Peut-être y trouverais-je du plaisir si vous étiez avec moi et