Aller au contenu

Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
LES OISEAUX DE PROIE

wold. Dans l’obscurité de la nuit, je ne vis qu’une demi-douzaine de maisons séparées de la route par des palissades en bois, une vieille église, et une auberge au toit bas, à la fenêtre de laquelle tremblotait une petite lumière, derrière un rideau rouge.

« Je demandai à cette auberge un asile pour la nuit et fus conduit à une chambrette dont les murs étaient blanchis à la chaux : le lit entouré de rideaux de basin empestait la pomme. C’était étroit, modeste, mais propre, et cela avait une petite saveur rustique qui ne me déplut pas. Je me figurai que je descendais à cette auberge, avec Charlotte pour femme, et il me semblait qu’il serait doux de vivre dans ce petit village perdu, oubliant, oubliés, comme dans les Huguenots. Je me complaisais dans ces chimères… moi ! qui avais été élevé au milieu du tapage de la foule, du gâchis du Strand !

« Serais-je heureux, avec cette chère enfant, si elle m’appartenait ? Hélas ! j’en doute. Un homme qui, jusqu’à vingt-sept ans, a mené la vie de bohème, est bien peu en état de goûter le pur bonheur que donne la tranquillité du foyer domestique. N’entendrai-je pas toujours le bruit des billes de billard ou la voix du croupier : « Messieurs, faites le jeu ! » N’aspirerai-je pas après le bruit, la cohue des bals du West End, les folles émotions du turf, pendant que mon innocente jeune femme sera assise à mon côté, en me disant d’admirer les yeux bleus de mon premier-né ?

« Non ; Charlotte n’est pas faite pour moi. Il y aura toujours deux classes séparées : les moutons et les boucs, et je suis parmi les boucs.

« Et cependant, il y a des gens qui se moquent des doctrines de Calvin et qui nient la prédestination.