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LES OISEAUX DE PROIE

Tom. Un homme qui rit très-haut, qui fasse de beaux compliments, qui ait un gig avec un cheval de belle allure, voilà l’espèce d’homme que les femmes préfèrent, et c’est encore celle que vous choisiriez.

— Bien certainement, je ne me remarierais pas du tout, répondit Mme Halliday, d’une voix entrecoupée de sanglots. J’ai assez vu les douleurs du mariage pour ne pas désirer recommencer ; mais je ne désire pas que Tom meure, si peu bon qu’il soit pour moi. Ils disent toujours qu’il ne fera pas de vieux os… Quelle chose horrible, ne trouvez-vous pas… de parler des os d’une personne qui vit, et souvent j’ai été inquiète, tourmentée pour lui, mais il ne m’en a guère de reconnaissance. >

Ici Mme Halliday se mit littéralement à sangloter, si bien que Sheldon crut devoir ébaucher quelques mots de consolation.

« Allons, allons, je ne veux pas vous tourmenter davantage. Ce serait absurde et contraire aux lois de l’hospitalité, n’est-ce pas vrai ? Seulement, il y a des choses qu’il n’est pas possible d’oublier. Laissons le passé pour ce qu’il est. Quant au pauvre Tom, je ne doute pas qu’il vive longtemps, quoi qu’en puissent dire tous ces bavards. Il faut toujours que l’on parle à tort et à travers. Cela ne coûte rien de dire qu’un grand gaillard de six pieds, solidement bâti, n’est qu’un faible roseau qui fléchira au premier vent. Allons… allons !… Mme Halliday, il ne faut pas que votre mari, lorsqu’il reviendra, voie que je vous ai fait pleurer. Il peut rentrer de bonne heure ce soir… Allons !… allons !… nous aurons des huîtres à souper, et nous causerons ensuite du bon temps d’autrefois. »

Mme Halliday secoua douloureusement la tête.

« Il est déjà plus de dix heures, et je ne pense pas que