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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/118

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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

cultés, des contradictions, des illogismes qu’on peut sans dommage élaguer de la luxuriante frondaison de la grammaire et de l’orthographe, jamais il ne voulut admettre qu’on pût toucher aux règles ou aux formes grammaticales. Avec quelle amertume, lui d’ordinaire si doux, ne dénonce-t-il pas les infiltrations de mots étrangers :

… Je pense à toi, pauvre langue française,
Quand tu disparaîtras sous les nombreux afflux
De source germanique et d’origine anglaise :
Nos arrière-neveux ne te connaîtront plus !

« Travailleur d’élite probe et fidèle, Lemoyne ne pouvait oublier que pendant près de trente années il avait été du nombre de ces humbles et précieux auxiliaires de l’imprimerie, du nombre de ces érudits anonymes qui veillent au respect des belles traditions, du nombre de ces correcteurs qui éclairent les expressions obscures, redressent les phrases boiteuses et sont, suivant Monselet, les « orthopédistes » et les oculistes de la langue. Alors qu’il avait depuis longues années abandonné l’atelier pour remplir les fonctions de bibliothécaire archiviste à l’École des Arts décoratifs, n’avait-il point cet orgueil de montrer à ses intimes la blouse noire qu’il avait endossée au temps de sa jeunesse et de son âge mûr. N’est-ce point encore sur cette blouse qu’il épingla fièrement la croix, alors qu’il fut fait chevalier de la Légion d’honneur ? Au reste, ne proclamait-il point avec une ostentation de bon aloi : « Je connais mon dictionnaire. Songez que pendant trente ans j’ai été ouvrier typographe et correcteur chez Didot… »

Mais c’est assez s’étendre sur ce sujet ; il suffira d’affirmer que maint autre exemple prouverait à l’évidence que les correcteurs contemporains ne sont point inférieurs à leurs aînés.