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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

gorique : « … Si l’on n’est plus en droit de réclamer du correcteur le fonds d’instruction d’un véritable savant, il n’en doit pas moins, pour mériter son titre, connaître parfaitement la langue française et posséder des notions au moins élémentaires de latin et de grec, et même des langues vivantes les plus usuelles, telles que l’anglais, l’allemand, l’italien et l’espagnol. Il doit, en outre, être initié suffisamment aux travaux de l’imprimerie, non seulement par l’étude théorique des traités, mais encore par une bonne expérience pratique. S’il ne remplit cette dernière condition, il ne sera jamais un correcteur complet. »

En 1868, dans une lettre à M. A. Firmin-Didot, M. A. Bernard écrivait : « Mais il faut encore s’entendre sur la valeur de ce mot [correcteur]. Le véritable correcteur doit être à la fois érudit et typographe. Si ce n’est qu’un érudit, un déclassé qui fait ce métier parce qu’il n’en trouve pas de meilleur, il ne remplira que la moitié de sa tâche.

« C’est malheureusement ce qui arriva au Dictionnaire de l’Académie de 1835 : non seulement il n’y avait pas de typographe dans la commission académique, ce qui était déjà très fâcheux, mais encore les deux correcteurs chargés de lire ce livre n’étaient pas non plus typographes. L’un, M. Audiguier, était un Méridional plein de finesse, mais sans aucune notion d’imprimerie et se souciant peu d’en acquérir ; de plus, il était d’un amour-propre extraordinaire, et, plutôt que de reconnaître qu’il avait laissé passer une faute, il aurait volontiers inventé un système pour la justifier, et, par suite, l’aurait répétée au lieu de la rectifier. Je l’ai retrouvé plus tard à l’Imprimerie Royale, avec les mêmes défauts, aggravés encore par les exigences d’une position exceptionnelle.

« L’autre correcteur s’appelait, je crois, Bonhours. C’était un érudit de premier mérite, mais aussi étranger à l’imprimerie que le précédent. Il ne se doutait même pas de la manière dont le compositeur assemblait les caractères. Une coquille l’interloquait ; une lettre retournée le mettait en fureur, car il supposait que l’ouvrier, pour lui faire une niche, avait pris la peine de retourner le papier pour y appliquer la lettre à rebours. Il voulut un jour en avoir le cœur net et vint étudier la composition pendant quelque temps. Alors il comprit que rien n’était si peu extraordinaire que de mettre un r pour un a, etc. ; mais cela ne lui donna pas la logique du correcteur typographe. »