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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/154

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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

Puis, défendant avec énergie la thèse contraire, ces mêmes critiques, en un tableau des plus flatteurs exposent les mérites du typographe devenu correcteur. Ils vantent sa modestie, son dévouement, le soin méticuleux qu’il apporte dans l’exécution de son travail, qualités inestimables qui suppléent sans peine au défaut de connaissances littéraires, scientifiques ou linguistiques.

2° À leur tour, les « intellectuels », non sans aigreur, ripostent avec une certaine vraisemblance : « Pour avoir, un jour de pléthore de lecture, marqué un deleatur, indiqué la suppression d’un doublon, signalé une coquille ou un bourdon, quelques compositeurs se consacrent d’emblée correcteurs.

« Parce que durant de longues années ils ont coté et paraphé maints feuillets de copie, manié réglettes, garnitures et biseaux, ils s’imaginent avoir tous droits à cette fonction de correcteur dans laquelle ils ne voient que la petite place enviée, sorte de maréchalat typographique. Ils estiment pouvoir s’imposer au choix du patron à meilleur titre — et surtout à meilleur compte — que le déclassé dont, sans le connaître même, ils dénigrent les connaissances au profit des leurs.

« Sans doute, grâce à leur travail et à leur persévérance, nombre de compositeurs sont parvenus à développer d’une manière remarquable ce que leur ont enseigné leurs maîtres de l’école primaire ou de l’école supérieure. En littérature française et dans quelques autres branches ils ont acquis des connaissances étendues ; mais combien se sont initiés aux langues vivantes et surtout aux langues mortes ? Le jour où, remplissant les fonctions de correcteur isolé, ils se trouveront en présence de manuscrits mal écrits et bourrés de citations latines ou autres, leur seule ressource sera de laisser en blanc ce que ni eux ni le typographe n’auront pu déchiffrer ; car, dans ces circonstances, le dictionnaire n’est d’aucun secours. »

L’anecdote suivante, extraite de la Circulaire des Protes[1], est une caractéristique fidèle de la situation qui vient d’être exposée : « Dans une grande Maison du Nord-Ouest, on décida un jour de n’employer comme correcteur que des personnes du pays, de préférence des typos,

  1. Organe officiel de la Société amicale des Protes et Correcteurs d’Imprimerie de France (n° 203).