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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/182

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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

de Thuerd, ce prieur qui, après avoir installé au monastère d’Ainay une imprimerie, en accepta volontairement la direction. Les contemporains de ces savants ne songèrent point à leur reprocher de remplir des fonctions ingrates, au-dessous de leur condition sociale : la typographie était alors un art dont s’honoraient ceux qui le pratiquaient. Le déclassé certes existait, comme il se rencontra de tout temps, mais nul n’aurait à l’époque dont nous nous occupons pensé que l’évêque de Saintes manquait à sa dignité en revisant des épreuves typographiques, et que Josse Rade dérogeait en troquant la chaire du professeur pour la plume du correcteur. Dans leurs doléances, dans leurs remontrances les compagnons ne se plaignirent jamais de l’insuffisance technique de ces littérateurs, de ces docteurs utriusque juris qui parfois partagèrent leur vie d’atelier ; tout au contraire, ils estimaient, en 1572, que « jadis il n’y avoit presque sinon que gens doctes ès langues ès sciences, et entre iceux on y remarquoit plusieurs gentilzhommes, qui s’appliquoyent à cest estat », d’imprimerie[1].

Mais, si pour ces premiers correcteurs, auxquels il nous serait aisé d’adjoindre une longue liste d’autres lettrés, l’étude au moins théorique de la technique typographique est vraisemblable, il en est nombre d’autres pour lesquels elle est certaine : il est évident que les conseillers d’État, les bourgeois de Paris, les notaires, les greffiers, les prieurs, les chanoines dont les contrats d’apprentissage nous ont été conservés aux Archives nationales[2], ne devaient pas — leur engagement terminé — devenir et rester simples compagnons : ils avaient en vue l’acquisition d’un brevet de maîtrise, la direction d’un atelier ou… toute autre situation : tel fut, sans doute, le cas de Guy ou Guyot Marchant, prêtre et maître ès arts, qui fut imprimeur à Paris, et dont le libraire Jean Petit fut le commanditaire, et Guy Jouveneau le correcteur[3] ; telle fut certes la pensée de ce Jacques David, prêtre, correcteur d’imprimerie, dont M. Ph. Renouard, à la date du 19-20 juin 1564, signale le testament, en l’hôtel de Vendôme, sa demeure ; tel fut le désir de Nicolas Edoard[4], un Champenois

  1. Remontrances et Mémoires pour les Compagnons imprimeurs de Paris et de Lyon…, adressées au Roi le 17 juin 1572.
  2. Bib. Nat., ms. fr. 21839 ; Registre des Apprentis, t. III, 1759-1789.
  3. Voir page 42.
  4. D’après M. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, 3e série, p. 206. — Voir page 100.