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la part, on ne peut en dire autant de cet autre conseil : « Ne modifiez rien à une phrase, sans que l’urgence en soit absolument établie. »

« Le correcteur devra être très circonspect dans les changements qu’il jugera utile d’apporter à l’original ; s’il se produit en lui quelque hésitation, il agira sagement en laissant les choses en l’état, quitte à les signaler à l’auteur, et en se retranchant derrière le texte de la copie, se tenant bien assuré que tel écrivain lui saurait moins de gré de vingt solutions heureuses qu’il ne témoignerait d’humeur pour une correction inopportune. »

L’attention de l’auteur n’est parfois pas moins en éveil que celle du correcteur. Une démarche courtoise, une demande respectueuse, un avis poliment sollicité, en voilà certes plus qu’il ne faut pour plaire à M. Qui que ce soit, et le persuader de l’intelligence, de l’activité et de l’attention qui ont présidé à la correction de son œuvre[1].


B. — Le correcteur et la langue


Il faut que le correcteur connaisse très bien au moins la langue dans laquelle l’ouvrage est composé.

I. De manière générale, le devoir du correcteur est de soutenir la pure langue française contre les exagérations ou les innovations du premier venu. C’est donc pour lui, dès lors, un droit d’appeler l’attention de l’auteur sur les fautes qu’il croit avoir remarquées dans le travail qui lui a été confié.

Certains écrivains, même parmi les bons, professent un dédain non dissimulé pour l’orthographe et la grammaire. Pour eux, le souci de ces sciences, indispensables cependant pour « parler et pour écrire correctement », est digne tout au plus d’un prote d’imprimerie, ainsi que le déclare ironiquement M. Anatole France.

Peut-être n’était-ce point le sentiment du fondateur de la Revue des Deux Mondes, qui prétendait que pas un de ses collaborateurs ne savait la grammaire et qui s’en indignait fort.

  1. Voir, sur ce même sujet, page 403, note 1, l’opinion de Crapelet.