Aller au contenu

Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


A. — Le correcteur et les sociétés typographiques


Sans écrire, à l’instar de Boutmy, que « le correcteur est taciturne et casanier[1] », il faut dire qu’il est isolé, et qu’il s’isole volontairement. Il a de cordiales relations avec les chefs de service de sa Maison, mais il ne les fréquente point : ceux-ci, d’ailleurs, le regardent d’un peu haut et le considèrent — bien à tort — comme leur inférieur. Le poste qu’il occupe ne lui permet point — et il le regrette vivement, car parmi eux il compte de nombreux amis — de « hanter » les metteurs en pages et les compositeurs de l’atelier. Sa situation intermédiaire fait de lui, au milieu du personnel, un travailleur à part.

Sorti de l’atelier, le correcteur conserve cet isolement : si quelque réunion l’intéresse, soyez certain que ce ne sera point une réunion corporative ; si quelque société sollicite son dévouement[2], affirmez sans crainte d’erreur que ce n’est point une société typographique ; le syndicat paraît d’ailleurs peu lui plaire.

On peut estimer que le nombre des correcteurs, en France, s’élève au chiffre de 4.000 environ, dont au moins 1.000 pour la région parisienne, c’est-à-dire pour l’ensemble du département de la Seine et une fraction de celui de Seine-et-Oise.

Trois syndicats ou sociétés typographiques peuvent solliciter

  1. Boutmy, Dictionnaire de l’argot des typographes, p. 46.
  2. Il n’est guère de société non professionnelle où l’on ne rencontre non pas seulement des typographes, mais encore des correcteurs. — A.-T. Breton, dans sa Physiologie du Correcteur (p. 68), fait ainsi l’éloge de la « philanthropie de son héros » : « Si quelque parent, quelque ami, vient à se trouver aux prises avec la misère que le correcteur a su éviter, ce n’est pas par de vaines paroles qu’il accueille ses plaintes, par des reproches aussi inhumains qu’inopportuns sur son manque de prévision : philanthrope vraiment éclairé, il sait que nul remède n’a plus d’efficacité en pareille circonstance que celui que tous les prôneurs humanitaires s’attachent avec le plus de soins à rendre odieux aux autres… ; et, heureux de saisir cette occasion d’être utile à son prochain, c’est par le généreux sacrifice d’une petite bourse remplie avec beaucoup de soins et de peines, mais qu’il délie de la meilleure grâce du monde et qu’il met à la disposition de celui qu’il oblige, avec une délicatesse dont il faut aller chercher l’exemple dans la charité des premiers chrétiens, et qui épargne à celui-ci jusqu’à la honte d’un remerciement. — Il en est un, que je connais particulièrement, qui passe communément pour le misanthrope le plus farouche. Interrogez les compagnons de sa longue vie sur les bonnes œuvres qui l’honorent : il n’y aura qu’une voix pour le proclamer au-dessus de tout éloge… »