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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/468

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quels on espère sans cesse l’accabler ; un peu hostile aux maîtres, mais « piteuse » à tous ses membres, gardienne jalouse des privilèges et des prérogatives de la corporation, la « chapelle » a son budget qu’elle alimente à des sources diverses (droits d’entrée, droits de chevet, cotisations, amendes à l’occasion de rixes et « batteries » entre compagnons ou de manquements au règlement de l’atelier) et qu’elle utilise pour des œuvres dont le but n’est pas toujours également louable (secours aux compagnons infirmes, âgés ou malades ; viaticum pour les confrères retournant en province ; frais de justice ; fêtes et banquets parfois un peu intempestifs et prolongés de la Saint-Jean Porte-Latine et de la Saint-Martin). Une curieuse coutume des anciens ateliers est celle des exemplaires dits de « chapelle » : « De tous temps, on retint sur les ouvrages imprimés un certain nombre d’exemplaires en faveur de l’imprimeur, du libraire, du correcteur et des compagnons. » De 1618 à 1777, il ne pouvait être prélevé plus de quatre exemplaires. À cette dernière date, le nombre fut porté à six : « deux pour les maîtres, un pour le directeur, les trois autres pour être partagés en commun entre lesdits ouvriers[1] ». Ces exemplaires « pouvaient être rachetés aux compagnons par celui qui avait commandé l’ouvrage[2] ». Le produit de la vente était versé entre les mains du trésorier[3] de la « chapelle ».

  1. Voici, au surplus, le texte de l’article 15 des lettres patentes de juin 1618 relatif à cet objet : « Défenses seront faites à tous imprimeurs et leurs compagnons de retenir plus de quatre copies de tous les livres qu’ils imprimeront ; à sçavoir, une copie pour le libraire qui fera imprimer lesdits livres, une pour le maître imprimeur, une pour le correcteur et la quarte et dernière pour les compagnons, à la charge qu’ils seront tenus la représenter à celui qui la fera imprimer, laquelle il sera tenu leur payer, ou, en cas de refus, il leur sera loisible d’en disposer ainsi qu’il leur semblera bon estre, et où il s’en trouveroit davantage, seront pris comme infracteurs des ordonnances… » — L’article 19 du Règlement du 30 août 1777 modifia ainsi cet usage : « Il ne pourra être levé par les ouvriers de l’imprimerie que six exemplaires seulement des ouvrages qu’ils impriment, dont deux pour les maîtres, un pour le directeur, et les trois autres pour être partagés en commun entre lesdits ouvriers. Ils seront tenus néanmoins de présenter leursdits quatre quatre (sic dans le texte que nous avons consulté) exemplaires à celui qui aura fait faire l’impression, et qui pourra, si bon lui semble, les retenir en les payant. »
  2. D’après J. Radiguer.
  3. Si l’on en croit Bertrand-Quinquet, cette coutume survécut à la période révolutionnaire : « Un ancien usage voulait qu’on laissât aux ouvriers deux copies de chapelle, c’est-à-dire deux exemplaires de chaque ouvrage que l’on imprimait. Cet usage subsiste encore en quelque sorte, car les ouvriers prennent ordinairement ces copies quand on ne les leur donne point. Mais, comme il vaut mieux accepter que dérober, il nous semble qu’on devrait bien les leur laisser. Il est des cas cependant