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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/482

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à ses intimes, à ses correspondants, à ses clients les salutations de ses amis et collaborateurs, jamais le nom de son correcteur ne s’y trouve mêlé. Au banquet de noces de Raphelengien, qui en juin 1565 épousait sa fille aînée Marguerite, Plantin convoque ses collègues, ses fidèles, les littérateurs attachés à son officine ; il oublie son… correcteur.

Le nom de Kiliaan ne se trouve associé à celui de son patron que dans trois circonstances importantes : le 21 novembre 1568, Plantin, s’absentant d’Anvers, constitue Cornelis son fondé de pouvoirs pour « faire rentrer les créances et agir en justice en son nom » ; Kiliaan, le 26 novembre 1585, signe à l’acte de cession de l’imprimerie de Leyde ; et il figure, le 7 juin 1589, comme témoin au codicille fait par Plantin à son testament. Ce sont les seuls actes de confiance et de gratitude publique qu’ait témoignés Plantin à celui « qui resta à son service ou à celui de ses gendres pendant près d’un demi-siècle ». Une explication semble plausible : la valeur littéraire de Kiliaan porta ombrage à Plantin dont elle éclipsait les mérites. Puis il faut le dire : durant de longues années, Cornelis Kiliaan, fort économe, fut, malgré son maigre salaire, créancier de l’imprimerie d’Anvers. On peut en supposer une autre à connaître le texte de certain privilège accordé à Plantin et les travaux auxquels se livra Kiliaan : ce dernier eut parfois pour la publication de ses travaux[1] des velléités d’indépendance que peut-être Plantin ne lui pardonna pas.

« Pourtant, Kiliaan fut, sans conteste, l’homme indispensable dans la maison Plantin ; il fut l’artisan le plus actif de la gloire qui rejaillit sur cette imprimerie, renommée dans le monde entier pour la régularité des impressions et la pureté des textes. Excellent homme, de relations agréables, il n’avait point la morgue des savants de cette époque, ni la fierté des professeurs ; il ne songeait point à se faire valoir, bien qu’il eût toutes les raisons plausibles pour le faire : sens droit, jugement éclairé, érudition très étendue. Pendant cinquante ans il fut courageux à la peine que chaque jour amenait, et c’est à lui que revient en toute justice la plus grande part de renom entre tous

  1. Parmi les ouvrages les plus remarquables écrits par Kiliaan, auquel un écrivain décerne le titre de « père de la philologie néerlandaise », il faut citer : Histoire de Louis XI, roi de France, et de Charles, duc de Bourgogne, d’après Philippe de Comines. (1578), Description de toutes les Néerlandes, Dictionnaire latin-grec-français et néerlandais, Dictionnaire latin-néerlandais, Cinquante homélies sur la droiture qui convient à un chrétien (1580), Etymologicon teutonicæ linguæ (1599), etc.