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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/502

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Serait-ce pour aboutir à cette conclusion, dont on peut dire qu’elle porte in cauda venenum : « La correction fait généralement partie des attributions du prote : s’il ne corrige pas, c’est que l’importance de la Maison réclame par ailleurs son concours. Or, plus une Maison est importante, plus le prote doit être instruit, afin de commander aux correcteurs[1]. »

Ainsi, tout se résume à ceci : « commander aux correcteurs ». De cette subordination du personnel intellectuel à l’élément ouvrier dépend le salut du prote.

Comme il est aisé, à la lumière de cette revendication extraordinaire, d’expliquer l’attitude de certain prote : durant quarante années d’une trop longue carrière dans la même Maison, son plus grave souci fut d’opposer l’un à l’autre ses meilleurs correcteurs ; puis, après les avoir élevés, de les briser sans pitié sous les plus futiles prétextes. Il n’eut point cependant, pour justifier cette attitude, l’excuse inattendue de l’un de ses collègues déclarant, avec un sang-froid digne d’une plus mauvaise cause, que « la plupart des correcteurs sont des incapables[2] ». Notre prote n’exigeait, certes, point que ses correcteurs fussent « pourvus de leur brevet élémentaire[3] » — ah ! le bon billet, un brevet élémentaire ! — mais, de peur « d’être battu » par eux, suivant la pittoresque expression de Ch. Ifan, il préférait, n’ayant pas lui-même le « brevet élémentaire… d’honnêteté professionnelle », les casser aux gages.

Ce n’est point sur de tels faits qu’il faut juger de la valeur d’un correcteur.

    impression, celle de la lecture des épreuves, on se repose entièrement sur lui de la pureté des textes et de la précision grammaticale. Il est alors l’ami et le conseiller du prote plutôt que son subordonné. Un prote que l’importance de la Maison qu’il dirige empêche de se livrer à la correction est un corps sans âme s’il n’a pas au moins un bon correcteur pour le seconder. » (A.-T. Breton, Physiologie du Correcteur d’imprimerie, p. 8 ; Paris, 1843.)

  1. Ch. Ifan, le Prote, p. 25.
  2. M. Leconte, Compte Rendu du Congrès de la Société amicale des Protes et Correcteurs, tenu en 1910, à Saint-Étienne (Circulaire des Protes, no 171, p. 78). — Il faut rapprocher de cette appréciation l’opinion d’un maître imprimeur que nous rapportons plus loin, page 554.
  3. Id., Ibid.