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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/504

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Pour justifier leur raison d’être, pour faire preuve de plus de capacités que leurs soi-disant inférieurs, « pour diminuer aussi le plus possible l’importance des fonctions » de leurs subordonnés et, à l’encontre, rehausser le prestige des leurs, certains correcteurs chefs n’hésitent pas à noircir de corrections les épreuves qui passent sous leurs yeux. Mais examinez le bien-fondé de toutes ces corrections, leur valeur. Vous reconnaîtrez vite qu’elles sont insignifiantes, inutiles même. Et alors, si vous ne tenez pas compte de toutes ces corrections futiles, vous estimerez qu’il ne reste pas deux corrections par page qui soient sensées et nécessaires.

Cependant, parfois, ces « supérieurs » sont si « rigides qu’ils ne peuvent souffrir qu’une correction indiquée par eux soit omise » ; ils surveillent avec un soin jaloux les revisions et n’omettent point de jeter un regard indiscret sur les tierces pour s’assurer que « la virgule marquée à la deuxième ligne, après le mot or ou le mot cependant, a bien été ajoutée ».

Disons-le nettement : une telle attitude ne décèle ni un chef, ni un professionnel « amoureux de son art » ou « méticuleux à l’excès », mais simplement un personnage futile, inutile et nuisible.

Ce n’est certes point d’après la valeur personnelle, trop souvent insignifiante, de ce chef — à qui et à quoi doit-il sa situation[1] ? — que l’on doit juger la valeur de ses collègues.

    moins lettrés. » (A.-T. Breton, Physiologie du Correcteur d’imprimerie, p. 14-15 ; Paris, 1843.)

  1. « Dans chaque imprimerie, du moins dans plusieurs, on voit souvent un correcteur qui, à l’exclusion des autres, jouit de privilèges dont il use quelquefois assez largement pour se placer sur la ligne de celui qui les lui accorde. Si cette faveur était toujours la récompense du vrai mérite, de l’homme du métier que son instruction et son érudition appellent de droit à l’exercice d’une influence morale, d’une autorité tacite, dans un établissement, nous ne verrions en elle que l’effet d’une considération justement acquise, et il est un point de vue sous lequel nous pourrions l’envisager favorablement ; mais, donnée souvent à la sottise et à l’ignorance, une telle prédominance est préjudiciable dans ses conséquences aux correcteurs en général, elle est funeste aux compositeurs et aux imprimeurs en particulier, par les lenteurs qu’elle apporte dans le travail, par l’énorme impôt de temps qu’elle lève sur ceux-ci et par l’impôt dix fois plus considérable dont elle grève ceux-là. L’ignorance des matières, la présomption, le caprice amènent trop souvent des bévues, et par conséquent des corrections qu’il faut faire, refaire et supporter, soit dans une première typographique, soit dans une tierce ; ce point de départ vicieux cause d’ailleurs un si grand déficit au bout de l’année dans la caisse du maître imprimeur qui est affligé de cette calamité que, dût cette esquisse souffrir de la prolixité de mes détails aux yeux