Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/508

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prend part à ses joies et à ses peines, comme il s’associe à ses succès et à ses déboires.

Dès le début du xvie siècle, à côté ou à la place des ateliers primitifs — ateliers de famille, suivant nombre d’écrivains[1] — se créèrent des établissements où les maîtres, « principalement des libraires, sans connaître par eux-mêmes le métier, organisèrent le travail dans le but exclusif de réaliser de forts bénéfices ». De ce jour la classe ouvrière était née dans notre profession : éclose sous un régime de liberté, sous la protection de l’Université qui fut « la fille aînée et bien-aimée des rois », jouissant de toutes les faveurs et de toutes les prérogatives accordées à celle-ci, l’imprimerie n’emprunta d’abord aux usages corporatifs des autres métiers que quelques-unes de leurs coutumes : telle est, tout au moins, la conviction acquise à la lecture des auteurs (L. Radiguer, P. Mellottée, etc.) qui ont étudié la vie et les usages des ateliers typographiques depuis leur origine.

Le « travail en conscience[2] », cela est certain, fut le seul que l’on connut, dès le début, à l’imprimerie de la Sorbonne, comme à celles de la rue Saint-Jacques, puis à Lyon et dans les autres villes, au fur et à mesure que la typographie s’étendit : tour à tour, les compagnons composaient, corrigeaient et imposaient ; puis ils préparaient le papier, l’encre et les balles et imprimaient ; enfin, ils rangeaient le matériel et secondaient le maître dans toute sa besogne. Plus tard, une division du travail devait s’opérer : un certain nombre de compagnons « exécutèrent les ouvrages délicats » ou difficultueux, qui ne pouvaient supporter le mode de rémunération ordinaire à la tâche ; ils aidèrent le prote dans ses fonctions et furent chargés des soins à donner au caractère et au matériel ; parmi les autres, on distingua « les cassiers et les metteurs en pages : les cassiers faisaient les compositions proprement

  1. « Les imprimeries établies à la fin du xve siècle se présentent à nous avec tous les caractères des ateliers de famille, où tous ceux qui coopèrent à l’œuvre commune vivent de la même vie, sur le pied de l’égalité. Cela tenait au peu d’importance de ces premiers établissements où le maître travaillait côte à côte avec ses compagnons… Enfin, les livres étant tous, sauf de rares exceptions, publiés en latin, les imprimeurs et leurs aides possédaient une très haute culture intellectuelle, qui contribuait, pour beaucoup, au degré d’intimité qui régnait entre eux. » (L. Radiguer.)
  2. « On appelle ouvriers en conscience ceux qui sont à la journée ; et aux pièces, ceux que l’on paie à raison de la besogne qu’ils font » (p. 65), ou encore « ceux avec lesquels on fait prix à tant par feuille de composition ou de tirage » (p. 246) (Bertrand Quinquet, Traité de l’Imprimerie, an VII).