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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/531

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gnons reçurent en moyenne un salaire de 3 livres par jour, soit environ 6 fr. 80 de notre monnaie (la livre étant comptée, d’après M. d’Avenel, pour une valeur de 2 fr. 27) (1910).

« Dans un Mémoire violent, rédigé en 1725, les compagnons imprimeurs se plaignaient amèrement de ne pouvoir gagner : les plus habiles, au delà de 3 livres par jour ; les autres, 25 à 30 sols en moyenne. » En se gardant de toute exagération, on peut admettre que les ouvriers de notre profession recevaient alors un salaire journalier variant de 2 à 3 livres, soit une rémunération annuelle de 500 à 600 livres. Au taux de 2 fr. 27 donné plus haut, on voit qu’au début du xviiie siècle les typographes gagnaient de 1.135 à 1.360 francs environ, — ce que recevait à peu près en 1914 un compositeur ordinaire travaillant 300 jours par an dans une ville de province[1],

Cependant, dans son Histoire des Classes ouvrières en France[2], M. Levasseur cite un exemple qui pourrait, en quelque sorte, donner raison aux compagnons… de province : « Le Parlement de Dombes avait eu à intervenir plusieurs fois à propos de « querelles, disputes et batteries des ouvriers imprimeurs » et de « la cessation du travail que de tels désordres causent ». L’intendant qui avait été chargé, en 1731, par arrêt du Conseil d’État, de la surveillance des imprimeurs, fut saisi, l’année suivante, d’un différend entre les patrons et les ouvriers de Bourg qui voulaient gagner 40 sous par jour ; il vint, décida que le salaire serait de 30 sous et fit défense aux ouvriers de quitter la ville, » Le gain annuel des compagnons imprimeurs s’élevait ainsi de 850 à 900 francs environ pour 250 jours de travail. Comparée aux salaires parisiens, cette somme était évidemment minime ; mais il est bien certain qu’en cette contrée le coût de la vie était réellement inférieur à celui de Paris.

  1. Le salaire moyen d’un typographe en province, au début de 1914, oscillait de 4 fr. 50 et 5 francs environ à 5 fr. 50 et 6 francs. En acceptant la moyenne de 5 francs, le salaire annuel pour 300 jours de travail était de 1.500 francs. Mais nous pouvons dire que les 1.500 francs du compositeur de 1914 étaient fort inférieurs, comme valeur et pouvoir d’achat, aux 1.350 francs du compagnon de 1725. — « La valeur sociale des marchandises a considérablement évolué depuis le début du xviiie siècle ; les exigences de nos pères n’étaient pas les nôtres en ce qui concerne le logement, ni le vêtement, ni l’alimentation, ni l’hygiène, ni les jouissances d’un ordre élevé. » (P. Mollottée, Histoire économique de l’Imprimerie, t. I, p. 305.)
  2. T. II, p. 489.