Aller au contenu

Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/533

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À cette époque, la nécessité de faire paraître le matin, dès la première heure, les nouvelles de la veille et de la nuit donna naissance au travail de nuit ; il fut rémunéré par une gratification exceptionnelle qui varia de 2 livres, 3 livres ou 4 livres 10 sols au double du prix gagné[1]. « Au double du prix gagné », car le travail aux pièces se multiplia, payé d’après un barème établi sur de nouvelles bases, le mille de lettres ; la lettre type était alors m.

« Le prix du mille de lettres n’était point uniforme comme de nos jours : il variait suivant le caractère (gros-romain, saint-augustin, cicéro, petit-romain, petit-texte, nonpareille) et suivant le format (in-folio, in-4o, in-8o, in-12, in-18, in-32). Il était moins élevé pour les gros caractères et les grands formats » : il oscillait de 6 sols pour l’in-folio composé en gros-romain à 10 sols pour l’in-32 composé en nonpareille[2].

Y eut-il, dès cette époque, à l’exemple des compositeurs aux pièces, des correcteurs aux pièces ? Nous n’avons pu le savoir. La chose, toutefois, est possible. Dans un manuscrit de 1771 (un peu antérieur conséquemment à l’époque qui nous occupe) M. P. Mellottée[3], parmi le détail d’évaluation d’une feuille d’impression, relève le renseignement suivant : « Lecture de première et seconde épreuve, 10 sols. » On sait qu’il n’était point d’usage alors, non plus qu’à notre époque, de faire entrer dans un devis le coefficient correction entendu au sens qui nous intéresse : il était compris dans cette somme appelée étoffes dont l’imprimeur majore son prix de revient et qui comprend tous les frais généraux de la Maison et les bénéfices[4]. Il est loisible dès lors de

  1. Voici ce que disait, à ce sujet, Bertrand-Quinquet en l’an VII : « Mais il arrive quelquefois que la besogne est forcée, qu’elle doit être rendue à jour fixe, que les bras manquent, alors il faut passer des nuits ou des demi-nuits. On compte une nuit entière, quand on travaille sans interruption pendant l’absence du jour. Pour la demi-nuit, l’on compte du moment où les ouvriers devraient quitter l’ouvrage jusqu’à minuit précis.
    xxxx « Pour une nuit pleine, on paye à l’ouvrier en conscience le prix de la journée et moitié en sus ; pour une demi-nuit, une demi-journée et moitié en sus.
    xxxx « On paye aux ouvriers aux pièces, outre leur travail, le prix d’une demi-journée d’homme en conscience, pour une nuit pleine ; et le quart d’une journée, pour une demi-nuit. Telle est, à cet égard, la règle générale, qui cependant varie quelquefois d’après le genre de besogne, les soins qu’elle exige et le talent de l’ouvrier. » (Traité de l’Imprimerie, p. 245.)
  2. D’après le Barème typographique de Couret de Villeneuve.
  3. Histoire économique de l’Imprimerie, p. 448.
  4. Voir également, sur ce point particulier, page 488, note 2.