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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/564

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à l’atelier de famille nombre de ses caractéristiques, et où ceux qui travaillent vivent sur le pied de l’égalité[1].

Plus tard, dès le début du xvie siècle, alors que les échoppes « familiales » disparaissent, et que les établissements industriels s’élèvent, la situation se stabilise, si l’on peut dire. Bien que l’imprimerie vive sous un régime de liberté que les rois eux-mêmes ont souci de respecter[2], elle est dans la nécessité, pour se plier aux obligations de l’ordre social, d’emprunter aux autres corporations quelques-uns de leurs règlements.

La fixation des heures de travail fut sans conteste possible l’un des premiers soins des nouveaux maîtres. Il est hors de doute qu’au moment où Jean Petit[3] — qui fut libraire dès 1492 et s’associa d’abord avec Guy Marchand vers 1493, puis peut-être en 1510 avec Henri Estienne — utilisait jusqu’à quinze presses fonctionnant journellement, le temps de travail était strictement délimité.

L’édit de Villers-Cotterets, qui fut le premier acte du Pouvoir réglementant l’exercice de l’imprimerie, se borna, au reste, à enregistrer le fait coutumier : « Et commenceront à besongner par chascun jour à cinq heures du matin et pourront deslaisser à huict heures du soir qui sont les heures accoustumees d’ancienneté[4]. »

De cinq heures du matin à huit heures du soir, soit pendant quinze heures, apprentis et compagnons devaient légalement être à la disposition des maîtres, puisque les repas se prenaient chez ces derniers et non point en dehors de l’atelier. Mais il est certain qu’en fait la durée du travail était bien supérieure. L’article 6 du même édit de 1539 laisse supposer qu’en maintes circonstances les maîtres pouvaient apporter quelques dérogations aux prescriptions royales : « Item si le marchand à qui sera l’ouvrage veult avoir plus hâtivement l’œuvre quị ne se pourroit faire par ceulx qui l’auroient commencée, le maistre en pourra bailler une partie à faire à d’aultres imprimeurs ; néantmoins,

  1. L. Radiguer.
  2. François Ier disait dans sa déclaration du 19 novombre 1541 : « Ce n’est point mestier que l’imprimerie et n’y faict-on aulcun chef-d’œuvre, mais est maistre qui veult. »
  3. Jean Petit fit travailler plusieurs imprimeurs, Jean Morand, Pierre Le Dru, André Bocard, etc. « L’on peut dire de luy qu’il a esté celuy de son tems qui a le plus faict imprimer, puisqu’il entretenoit les presses de plus de quinze imprimeurs. » André Bocard l’appelle le « meillour des libraires » (bibliopolarum optimus).
  4. Édit de Villers-Cotterets du 31 août 1539, art. 17.