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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

ces souverains puissants, qu’on les enfermât dans des boîtes d’or ou d’autre métal, et qu’on les recouvrît d’une masse de pierres qui reproduit en grand la forme de la boîte.

Le seul usage brâhmanique auquel on puisse rattacher l’existence et peut-être l’origine des Stûpas est celui qu’a décrit depuis longtemps Colebrooke[1], et qui a laissé des traces visibles dans diverses parties de l’Inde[2]. Lorsque la cérémonie des funérailles avait lieu trop loin d’un fleuve aux eaux saintes, pour qu’on y pût jeter les os et les cendres recueillis sur le bûcher, on les renfermait dans un pot de terre muni d’un couvercle et serré avec une corde[3]. Ce vase était déposé dans un trou profond où l’on plantait un arbre, ou bien au-dessus duquel on élevait un tumulus de maçonnerie[4]. Prinsep a bien fait ressortir les traits de ressemblance qui existent entre ces prescriptions du rituel funéraire chez les Brâhmanes, et la forme du plus grand nombre des Stûpas ouverts jusqu’à ce jour[5] ; mais ces prescriptions mêmes ne sont ni générales, car on les applique spécialement lorsque l’on ne se trouve pas à proximité d’un fleuve ; ni particulières aux monarques souverains, car rien n’est spécifié à cet égard dans le rituel. Le mot Stûpa, qui est parfaitement sanscrit pour signifier monceau, amas, a pu sans contredit s’appliquer exactement à de pareils tumulus brâhmaniques ; mais aucun texte orthodoxe ne nous autorise à croire que les Brâhmanes en aient jamais fait usage pour désigner une de ces masses de pierres auxquelles un revêtement de maçonnerie donne la forme connue des Stûpas purement buddhiques[6]. J’ai de plus quelque peine à comprendre

  1. Asiat. Res., t. VII, p. 256, éd. Calcutta.
  2. Voyez notamment les Pandoo Coolies décrits par Babington, dans les Transact. lit. Soc. of Bombay, t. III, p. 324 sqq.
  3. Colebrooke, dans une note relative à cette description, ajoute que l’on construit assez souvent un mausolée en l’honneur d’un prince ou d’un personnage illustre, et qu’un tel monument se nomme en hindusthani Tchhetrî. (Asiat. Res., t. VII, p. 256.) Il semble que ce nom de Tchhetrî rappelle les parasols à plusieurs étages dont sont ordinairement surmontés les Stûpas dans les pays buddhistes.
  4. Asiat. Res., t. VII, p. 256.
  5. Journ. Asiat. Society of Bengal, t. III, p. 570 et 571.
  6. Dans un temps où les caractères fondamentaux qui distinguent les constructions buddhiques de celles des Brâhmanes n’étaient pas encore parfaitement connus, on voulait que les Stûpas, qui se voient assez fréquemment dans les temples hypogées de l’ouest de l’Inde, fussent des Lingams ou des Phallus çivaïtes. (Transact. lit. Soc. of Bombay, t. III, p. 310.) Ce sont surtout les cavernes d’Ellora qui auraient besoin d’être visitées et décrites par des voyageurs exempts de tout préjugé systématique. Que de Lingams disparaîtraient pour faire place à de pieux Stûpas ! Erskine cependant ne s’était pas plus trompé en ce point que dans ses autres observations sur le Buddhisme, et il avait positivement affirmé que les Stûpas ne peuvent être en aucune façon les symboles du Çivaïsme. (Transact. lit. Soc. of Bombay, t. III, p. 508.) Je ne puis me refuser au plaisir de citer à ce sujet les réflexions suivantes de cet auteur : « Qu’il existe une connexion