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DU BUDDHISME INDIEN.

nivâpa[1]. Or en ce temps-là vivait dans le village de Nâlanda un Brâhmane nommé Tichya, qui épousa Çâri, fille du Brâhmane Mâṭhara. Lorsque l’enfant de Çari entra dans le sein de sa mère, cette femme, qui discutait avec son frère Dîrghanakha, convainquit ce dernier d’une faute de raisonnement. C’est pourquoi Dîrghanakha [vaincu], s’étant retiré dans le Dakchina palha, se mit à lire un grand nombre de livres. Pendant ce temps le fils de Çâri [nommé Çâriputtra] vint au monde. À seize ans il avait lu la grammaire d’Indra, et vaincu tous ceux qui disputaient avec lui. Il adopta ensuite, au bout de quelque temps, la vie religieuse, sous l’enseignement de Bhagavat. Cependant ce bruit parvint aux oreilles de Dîrghanakha le mendiant : Tous les Tîrthakaras ont été vaincus par ton neveu ; il est, en ce moment, disciple du Çramaṇa Gâutama. En apprenant cette nouvelle, Dîrghanakha conçut de son neveu une idée peu avantageuse ; et après avoir parcouru, [ainsi qu’il l’avait fait lui-même,] toutes les sciences, il se représenta Çâriputtra comme un disciple qui n’est resté qu’un temps limité auprès de son maître. C’est pourquoi il se rendit à Râdjagrĭha.

En ce moment Bhagavat, qui venait de se réveiller, enseignait aux quatre Assemblées une Loi agréable, douce comme le miel de l’abeille et pleine de saveur. Çâriputtra était debout, derrière Bhagavat, tenant à la main un chasse-mouche avec lequel il éventait son maître. Alors Dîrghanakha le mendiant vit Bhagavat qui enseignait la Loi, placé au milieu d’un cercle qui se déployait de chaque côté comme le croissant de la lune, et Çâriputtra qui, le chasse-mouche à la main, éventait son maître, et à cette vue il s’adressa ainsi à Bhagavat : Ô Gâutama, tout cela ne me plaît pas. Bhagavat répondit : L’opinion, ô Agnivâiçyâyana[2], qui te fait dire : Tout cela ne me plaît pas, est-ce qu’elle ne te plaît pas elle-même ? * Ô Gâutama, reprit le mendiant, l’opinion qui me fait dire : Tout cela ne me plaît pas, ne me plaît pas elle-même *[3]. — Conséquemment, ô Agnivâiçyâyana, si c’est ainsi que tu sais, si c’est ainsi que tu vois, est-ce que tu abandonnes, que tu quittes, que tu rejettes ton opinion, sans en accepter, sans en admettre, sans en produire une autre ? Oui, Gâutama, répondit le mendiant, sachant ainsi et voyant ainsi, j’abandonne, je quitte et je rejette mon opinion, sans en accepter, sans en admettre, sans en produire une autre. Ô Agnivâiçyâyana, répliqua Bha-

  1. On trouve une mention de ce lieu dans Fa hian et dans Hiuan Thsang. (Foe koue ki, p. 272 et 273.) Csoma nous apprend qu’on y avait bâti un Vihâra ou monastère dont Bimbisâra, roi du Magadha, fit présent à Çâkyamuni. (Asiat. Researches, t. XX, p. 294.)
  2. Ceci est une épithète patronymique de Dîrghanakha ; elle signifie « le descendant d’Agni vâiçya. » Ce dernier nom est celui d’une ancienne famille brâhmanique.
  3. Le passage renfermé entre deux étoiles manque dans le manuscrit, qui est ici extrêmement incorrect ; je l’ai rétabli d’après la suite du texte. Cette observation s’applique également à quelques autres passages de ce Sûtra, où le lecteur trouvera ce même signe.