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Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/454

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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

« privé de substance[1]. » Les deux dernières thèses sont évidemment métaphysiques ; elles sont l’expression abrégée de ces deux propositions qui occupent une si grande place dans la Pradjnâ pâramitâ, que tout phénomène est vide, et qu’aucun phénomène n’a de substance propre, ce qu’on exprime par les deux mots çûnya et anâtmaka. On doit encore rattacher à cet ordre d’idées cet axiome, que j’ai déjà rapporté plus haut : « Tout concept ou tout composé est périssable. »

Il faut maintenant rapprocher du texte que je viens de citer un fragment emprunté à la Pradjñâ pâramitâ. Mais il est auparavant nécessaire de décrire d’une manière rapide les volumineuses collections qui portent ce titre. Ces collections se distinguent les unes des autres par le nombre des stances ou articles dont elles se composent. La première et la plus considérable est celle que l’on nomme Çata sahasrikâ, c’est-à-dire celle qui renferme cent mille articles. Elle se divise en quatre grands livres auxquels on joint une autre Pradjñâ pâramitâ en vingt-cinq mille articles, et le tout forme cinq Skandhas ou divisions que les Népâlais nomment Pantcha Racha ou Rakcha[2]. Il est probable que la seconde orthographe est la meilleure, et que Racha est une altération provinciale du sanscrit Rakcha (protection). L’ensemble de ces divisions reçoit le nom générique de Rakcha bhagavatî, lequel est une épithète se rapportant au titre véritable de cette grande compilation, Pradjñâ pâramitâ. Il me paraît fort probable que Rakcha bhagavatî représente pour les Népâlais les deux mots Aryâ bhagavati qui ouvrent le titre complet de l’ouvrage ainsi conçu : Âryâ bhagavati Pradjnâ pâramitâ, « La vénérable bienheureuse Perfection de la sagesse[3]. » De sorte qu’en nommant la collection Rakcha bhagavatî, les Népâlais ne la désignent que par les épithètes que le respect ou la superstition y rattachent ; ils font à peu près comme un chrétien qui, au lieu d’appeler Sainte Bible l’Ancien Testament, se contenterait de dire la sainte. J’explique de cette manière une difficulté qui m’a longtemps arrêté au commencement de mes études buddhiques ; c’est d’une part l’emploi fréquent que M. Hodgson faisait de ce titre de Rakcha bhagavatî dans tous ses Mémoires, et de l’autre l’impossibilité où je me trouvais de le découvrir dans un seul des manuscrits de la compilation ainsi nommée. Cela vient de ce que M. Hodgson a toujours désigné ce recueil par le titre en usage aujourd’hui chez les Népâlais, tandis que les manuscrits copiés sur des originaux anciens reproduisent exclusivement le véritable titre de la collection.

  1. C’est comme une sorte d’acte de foi philosophique. Brâhmana dârikâ, dans Divya avad., f. 33 a. Açôka varṇa, ibid., f. 68 a. Djyôtichka, ibid., f. 133 a. Pâm̃çu pradâna, ibid., f. 182 b. Avad. çat., f. 3 a.
  2. Hodgson, Notices, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 423.
  3. Analys. of the Kah-gyur, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. I, p. 375.