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Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/12

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guère que de quarante années n’aient pas encore dissipé les ténèbres qui enveloppent l’histoire d’une nation dont aucune bibliothèque européenne ne possède, peut-être, d’une manière complète les monuments littéraires. C’est déjà un résultat d’une grande importance, que quelques hommes se soient rendus assez maîtres de la langue savante des Brahmanes, pour être en état de lire et de traduire les ouvrages dont cette langue nous a conservé le dépôt ; car l’Europe est, grâce à leurs efforts, en possession d’un instrument d’une valeur inappréciable, du seul dont la critique puisse et doive se servir pour pénétrer dans l’histoire de l’Inde qui nous est restée cachée pendant tant de siècles.

On ne s’étonnera donc pas, je l’espère, si je m’abstiens en ce moment d’entrer dans l’examen des questions très-nombreuses et très-difficiles auxquelles donne lieu le poème mythologique et philosophique dont j’ai entrepris la traduction : ce serait employer peu utilement pour les lettres orientales et pour le public le temps qu’on doit à la traduction des textes sanscrits, que de le consacrer à des discussions dont on n’a pas tous les éléments et à des spéculations dont on connaît mal les objets. L’époque des dissertations et des mémoires n’est pas encore venue pour l’Inde, ou plutôt elle est déjà passée, et les travaux des Colebrooke et des Wilson, des Schlegel et des Lassen ont fermé pour longtemps la carrière qu’avait ouverte avec tant d’éclat le talent de Sir W. Jones. Nous qui venons après ces grands maîtres, nous devons savoir profiter de leurs leçons ; et en conservant avec reconnaissance et admiration la mémoire de l’homme célèbre qui, dans ses brillantes esquisses, a touché avec une hardiesse si heureuse à toutes les questions indiennes, nous devons ne pas oublier que le seul moyen de résoudre un jour ces questions avec certitude, c’est de ne pas les traiter prématurément ;