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Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/155

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PRÉFACE.

de l’Himâlaya. Mais d’abord, pour nous qui regardons ilnde de la distance qui nous en sépare dans le temps et dans l’espace, il ne s’agit pas encore de savoir ce que la connaissance de ce pays nous fournira d’applicable à notre état intellectuel, d’utile au progrès futur de nos idées. Il n’est question ici que de l’histoire de l’esprit humain, et c’est seuleiûent de ce point de vue qu’il faut juger les productions indiennes dont l’étude doit agrandir le champ de la science ; car si cette étude n’en a pas encore reculé les bornes dans le passé, elle en étend déjà l’horizon sur des régions inconnues. Or n’est-ce pas un fait digne de toute l’attention du philosophe, qu’il ait existé jadis et qu’il existe encore sous nos yeux une société à qui des poëmes comme le Bhâgavata servent, si je puis m’exprimer ainsi, d’aliment intellectuel ? N’est-ce pas quelque chose de surprenant pour notre bon sens si pratique et si positif, qu’une grande nation, riche de tolis les dons de l’esprit, douée d’une sagacité et d’une pénétration merveilleuses, qui semble consacrer toutes ses facultés à l’examen de questions à jamais insolubles, et chez qui le sentiment de sa force ne s’éveille que quand l’objet qui l’excite est de ceux qu’on ne peut atteindre ? Que l’homme, la première fois qu’il entra en possession de son* intelligence, ait trop présumé de ce qu’il pouvait faire, et ait voulu tout expliquer, par cela même qu’il ne connaissait rien, c’est ce qui n’étonnera personne, parce que c’est ce que nous apprend l’histoire primitive de tous les peuples. Mais les nations les plus célèbres de l’ancien monde se sont bien vite lassées de ces tentatives stériles, et dirigeant leurs facultés sur des objets plus rapprochés de l’homme, elles ont agi davantage, laissant à quelques esprits d’élite les spéculations qui feront toujours la gloire de la pensée humaine, mais qui ne peuvent faire longtemps la vie des sociétés. L’Inde, au contraire, paraît n’être


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