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CHAPITRE PREMIER.

avec les détails dont sont remplis les Sûtras simples. Que nous apprennent en effet ces Sûtras ? Ils nous montrent Çâkyamuni parlant devant des Assemblées formées de Brâhmanes, de maîtres de maison, de gens du peuple, et, dans le principe surtout, adressant ses enseignements d’une manière toute spéciale à quelque Brâhmane ou à quelque Râdja qu’il veut instruire. Si ceux de ses disciples que les Sûtras développés signalent comme prédestinés à la dignité de Buddha parfait, eussent assisté à ces Assemblées, peut-on croire que Çâkyamuni n’eût rien dit de leur présence ? Et pour appliquer cette observation au sujet même qui nous occupe, si Mâitrêya, ou le personnage qui devait porter ce nom, eût été positivement au nombre des auditeurs de Çâkyamuni, peut-on supposer qu’un tel disciple, que celui qui devait être le Buddha successeur immédiat du Maître, n’eût pas paru au premier rang, parmi ces auditeurs privilégiés comme Ânanda, Çârîputtra et Mâudgalyâyana, dont les Sûtras simples nous ont conservé les noms ? De tout ceci je conclus que, dans les premiers âges du Buddhisme, le système qui représente les Bôdhisattvas assistant aux Assemblées de Çâkyamuni était tout à fait inconnu, et que le miracle de leur présence aux grandes Assemblées des grands Sûtras a été, comme tant d’autres miracles, inventé après coup et postérieurement à la séparation du Buddhisme en deux écoles, celle du Sud à laquelle ce système est resté entièrement inconnu, et celle du Nord où il s’est introduit, et a pris des proportions immenses, ainsi qu’on le peut reconnaître par la lecture des Sûtras développés.

f. 3 a.Seize hommes vertueux.] Ces hommes vertueux qui assistent aux Assemblées de Çâkya, et dont notre texte compte ici seize, doivent représenter la partie non religieuse de l’assistance, soit Brâhmanes, soit Râdjas, soit Marchands ; quelques-uns de ces noms, comme ceux de Susârthavâha, Ratnadatta, Ratnâkara, rappellent même plutôt la classe des Vâiçyas, que les deux premières castes. Ces hommes n’avaient pas besoin d’être Buddhistes pour assister à la prédication de Çâkya, puisque c’était à la masse du peuple et pour la convertir à la foi nouvelle, que cette prédication était faite dans le principe. Plus tard, et vraisemblablement à l’époque où furent compilés les Sûtras dits vâipulyas, ces noms n’avaient plus qu’un intérêt historique ; l’énumération qu’on en faisait formait, comme celle des Dêvas, des Nâgas, des Kinnaras, des Gandharvas, des Asuras, des Garuḍas et autres, une partie de la mise en scène de tout Sûtra développé, mise en scène qui avait reçu du respect religieux une sorte de consécration. Aussi est-il naturel de croire que si ces noms désignent des personnages réels, c’est dans les Sûtras simples qu’on devra en retrouver la mention. C’est uniquement dans cette prévision que je note deux variantes, l’une sur Ratnadatta, que les trois manuscrits autres que celui de la Société asiatique lisent Naradatta, et sur Dharaṇîdhara, que les deux manuscrits de M. Hodgson lisent Dharaṇim̃dhara.

Le fils des Dêvas Ratnaprabha.] Ce nom est lu Ratnabhadra dans les deux manuscrits de M. Hodgson.