Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
485
APPENDICE. — No II.

celle de Pasênadji, si, même cette dernière y est jamais usitée. Et quant à la cause qui a substitué un d au dj étymologique, je n’hésite pas à la chercher dans l’influence de quelque prononciation populaire analogue à celle que le singhalais, notamment sous sa forme la plus nationale, celle de l’Élu, applique à la reproduction d’un grand nombre de mots sanscrits et pâlis. C’est ainsi qu’on trouve dapa pour le sanscrit djapa, « récitation à voix basse, » Dambadiva pour Djambudvîpa et d’autres encore. J’essayerai même d’établir plus bas que cette transformation du dj en d existait déjà dans l’Inde au temps des Buddhistes. Notons d’ailleurs que l’existence bien connue du mot Udaya a dû faciliter la transformation d’Udjâyi en Udâyi. Ainsi, en résumé, il est fort possible que nous n’ayons ici que deux orthographes d’un même nom propre, ayant toutes deux le même sens : Udayi, la forme la plus commune, et Udyâyin, forme supposée, mais qui donne naissance au prâkrit Udjâyi, duquel vient ensuite le singhalais Udâyi.

Arrivés à ce point, il nous faudrait examiner une question beaucoup plus intéressante, non-seulement pour le Buddhisme, mais aussi pour quelques textes brâhmaniques dont l’antiquité, d’ailleurs incontestable, n’est cependant pas encore fixée avec la précision nécessaire. C’est celle de savoir si l’Udâyi bhadda, fils d’Adjâtasattu, des Buddhistes singhalais, qui est dans le Nord Udyâyi bhadra, ne serait pas, sous un autre nom, le même personnage que Bhadra sêna qui, selon le Çatapatha Brâhmaṇa, est fils d’Adjâtaçatru[1]. Voici par quelle suite de suppositions je me figure qu’on pourrait arriver à ce rapprochement. Le Bhadra sêna, fils d’Adjâtaçatru, du Çatapatha, avec son nom signifiant « celui qui a une armée heureuse, » nous rappelle l’Udayâçva, petit-fils d’Adjâtaçatru, des listes brâhmaniques[2], dont le nom veut dire, « celui qui a les chevaux de la prospérité. » Que cet Udayâçva, petit-fils d’Adjâtaçatru, puisse être identifié avec Udâyi bhadda, fils du même roi, au moins quant au nom, c’est une supposition qui me paraît parfaitement justifiée par les variantes qu’a rassemblées Lassen pour le nom d’Udayâçva, qui est lu ailleurs Udibhi et Udâsin. Maintenant, si l’on rapproche les unes des autres ces trois séries de noms : 1o Bhadra sêna des anciens Brâhmaṇas, 2o Udâyi bhadda des Suttas pâlis, 3o Udibhi, Udâsin et Udayâçva des listes royales indiennes, on reconnaîtra qu’entre le no 1 et le no 2 il y a la communauté de l’épithète Bhadra ; qu’entre le no 1 et le no 3 il y a l’analogie de l’idée d’armée et de celle de chevaux ; qu’enfin entre le no 2 et le no 3 il y a communauté de nom, Udâyin et Udaya. Ainsi le fils d’Adjâtaçatru, selon les Brâhmaṇas, est caractérisé par la même épithète que le fils du même Adjâtasattu, selon les Suttas pâlis ; en même temps que le petit-fils d’Adjâtaçatru, selon les listes royales, rappelle par son épithète le fils du même roi, d’après les Brâhmaṇas, et par son nom ce même fils, d’après les Suttas. D’où l’on peut conclure que Bhadra sêna est comme le rendez-vous ou la moyenne d’Udâyi bhadda et d'Udayâçva.

Mais, il faut bien l’avouer, ces rapprochements de noms ne suffisent pas pour faire admettre définitivement l’identité de Bhadra sêna et d’Udâyi bhadda, identité qui ajouterait un si grand poids à l’opinion de Lassen touchant celle de l’Adjâtaçatru de deux Upanichads

  1. Weber, Indische Studien, t. I, p. 213.
  2. Lassen, Ind. Alterth., t. I, Anh. p. xxxiii, Prinsep, Useful Tab. 2e part.  p. 99.